Le 14 mai, dans les salons de l'Hôtel de la Marine, 50 lauréats francophones et 10 lauréats non-francophones des 8500 concurrents ont été reçus en présence de l'amiral Jean-Louis Battet et de notre président Jean Dutourd, de l'Académie française. Après les allocutions des personnalités présentes et la lecture de deux expressions écrites, les lauréats ont reçu un diplôme et de magnifiques cadeaux. Un embarquement d'une semaine sur un bâtiment de la Marine nationale a été proposé aux 10 premiers lauréats. La cérémonie se termina autour d'un excellent buffet où professeurs, élèves et organisateurs purent échanger leurs impressions.

      Non. Voyez-vous, je suis un sédentaire qui aspire à la monotonie . Je n'apprécie guère les longs voyages, les longues marches, les grandes aventures... Je sais apprécier les beaux paysages ; mais il m'est inutile d'aller les chercher à l'autre bout du monde.
      Plus jeune, je pensais que poser le pied sur une terre inconnue allait me procurer une certaine euphorie, de celles qu'éprouve un Armstrong en faisant les premiers pas sur la lune. J'ai fait , dernièrement, deux voyages : l'un en Italie, l'autre en Égypte.
      L'Italie ne m'a pas procuré cette euphorie. Ce ne fut qu'un voyage historique, déambulations dans musées et places.
      Quant à l'Égypte, je fus tout bonnement déçu par mon arrivée sur son sol. Comme je le disais, j'admire les beaux paysages : mon plus grand souvenir de Louqsor est la vue que j'avais de mon hôtel, sur le Nil. Le reste n'est plus pour moi que maux de jambes et indigestions de cuisine locale.
      Bien sûr, lorque j'arrive à l'étranger, je me forge une excitation passagère, celle que j'attendais tant, que je serais déçu de ne pas obtenir. Je me mens à moi-même, tout en ne croyant pas mon mensonge ; en arrivant, je ne ressens en réalité qu'une légère indifférence accompagnée du soulagement de sortir de l'avion. Je suis un sédentaire.

      Pour moi, voyager, c'est partir à l'aventure, vers de nouveaux mondes et partager mes découvertes. Ce sera sûrement si beau que je n'aurai pas envie de repartir. Mais le raconter sera encore plus magique : je voudrais montrer à des gens malheureux toute cette beauté, pour leur faire oublier un instant leurs difficultés.
      Le paysage n'est qu'une façade pour un voyage. Ce sont les habitants qui le rendent passionnant. Leur façon de vivre est différente de la mienne et m'apprendra beaucoup sur moi-même. Comment élèvent-ils leurs enfants ? Sont-ils livrés à eux-mêmes ? À quoi occupent-ils leur temps, à étudier ou à gagner leur vie ? Qui prend soin d'eux ?
      Comment vit-on, quand on a mon âge, sous les bombardements ou dans la plus grande pauvreté ? Je me demande si je pourrai partager leur vie, le temps de mon voyage.
      Un voyage n'est pas seulement une visite guidée du pays. C'est une rencontre spirituelle avec ses habitants.

      Quel est mon rêve ? Traverser la Méditerranée et débarquer en Égypte pour admirer le phare d'Alexandrie,contempler les pyramides, voguer sur le Nil. Je le désire vivement ; or, il me faudrait beaucoup d'argent pour aller dans ce magnifique pays, car ce que je gagne en faisant de petits jobs, lorque j'en ai le temps, suffit à peine à me payer des magazines ! En tout cas, j'aimerais vraiment connaître ces lieux « sacrés » et aller à la rencontre de la population héritière de ce passé pharaonique ;
      Si, un jour, je foulais la terre de Toutankhamon, je m'aventurerais aussitôt dans les couloirs étroits des pyramides. Guidé par les hiéroglyphes, j'atteindrais la chambre royale où je découvrirais un splendide sarcophage sculpté, décoré. Insatiable, avide de tout apprendre, je ne manquerais pas de visiter les musées les plus célèbres, de voir les momies des plus grands personnages et les statues les plus prestigieuses. Sur une felouque, je descendrais le fleuve et admirerais les rives verdoyantes et fourmillantes de monde.
      Bien sûr, lors de ce voyage unique et inoubliable, je dégusterais les spécialités sucrées et parfumées, j'en profiterais pour apprendre l'égyptien moderne. J'irais vers les mosquées, puis dans les souks où j'achèterais des bijoux avec l'emblême du dieu Râ. Et même, je rechercherais quelques profils de Nefertiti pour les photographier et les conserver précieusement !
      En attendant de réaliser ce rêve, je peux toujours voyager à travers les livres, pour savoir comment Champollion a décodé les hiéroglyphes ou connaître toutes les malédictions qui ont frappé les découvreurs des tombes secrètes des pharaons… Quelle fabuleuse aventure à vivre pour un voyageur immobile... à la bibliothèque municipale de Cluses !

      Quand le temps est gris, je rêve.Je me détends dans un pays ensoleillé, sur une plage dorée ; je me promène dans des rues animées ; j'entends des langues incompréhensibles ; je visite quelques monuments et je prends des dizaines de photos.
      Mais, quand je pense à mes voyages futurs, je me rends compte que ce qui est vraiment important pour moi, c'est d'observer, de comprendre ceux qui vivent d'une façon tout à fait différente. C'est passionnant de découvrir de grandes civilisations, les traditions, l'art, les modes vestimentaires d'un pays. Mais cela ne suffit pas.
      Si je veux visiter un monde qui m'est inconnu, c'est d'abord par curiosité, mais aussi pour changer un peu ma manière de vivre, de penser. Je ne sais pas si je serai capable de connaître vraiment les habitants. Je suis encombrée par mes préjugés, par toutes les images vues à la télévision.
      Peut-être me faudra-t-il plusieurs voyages pour comprendre les autres.