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Bizarre, bizarre...
Quand le gaz nous ramène au chaos
Bizarre, bizarre, direz-vous : pourquoi le gaz nous « ramènerait-il au
chaos » ?
D’abord parce qu’il en vient !
En effet, le mot fut créé à partir de là par Jan Baptist Van Helmont,
chimiste, physiologiste et médecin flamand (1577-1644).
Il avait remarqué que le charbon, par sa combustion, exhalait une
vapeur, appelée jusqu’alors
hactenus, « esprit », et il va lui donner le
nouveau nom de
gas, créé d’après le latin
chaos, mais prononcé
[kɑɔs] en néerlandais.
Ce mot avait déjà un sens éthéré pour les Anciens.
En grec, Χάος , c’était la « béance, le vide qui précéda l’univers », et
Chaos est même la personnification du Vide primordial. Selon
Hésiode, il est le premier à naître, suivi de Gaïa (la Terre), puis
d’Éros. Et dans
Histoire de France et de s’amuser [de Robert Beauvais,
1964], Dieu s’offre une tasse de chaos.
Mais les Grecs furent précédés par les Hébreux : Χάος était déjà la
traduction de la locution génésiaque
tohū we-bohū, qui fut traduite
par Voltaire «
la terre était tohu-bohu ».
On voit l’évolution remarquable de ce dernier mot, car son premier
sens, c’est vraiment le « chaos avant la création », naturellement
conservé par une tradition savante, avant de désigner couramment un
« désordre rappelant ce chaos primitif ».
Si le mot grec désigne le chaos primitif, pour les Romains, c’était
plutôt « le chaos, la masse confuse dont fut formé l’univers ». Mais au
XVII
e siècle, le sens de
chaos était « vapeur invisible, émanation ».
Et c’est un autre médecin, Jean Le Conte, qui, dans sa traduction des
oeuvres de Van Helmont, a introduit «
gaz » en français, en 1670.
Gaz a donc signifié d’abord « vapeur invisible, émanation », et, depuis
1787, c’est un « corps à l’état de fluide expansible et compressible ».
Après avoir nommé le gaz, notre chimiste découvrit le gaz
carbonique, qu’il appela «
gaz sylvestre », créa le thermomètre et
défendit l’efficacité de la poudre de sympathie, «
vitriol calciné que
l’on faisait agir sur un peu de sang prélevé à un blessé, un malade, pour
arrêter l’hémorragie, guérir les plaies ».
Une telle scène n’évoque-t-elle pas la malheureuse actualité de la
guerre en Ukraine ?
Et comme elle nous conduit – la France et l’ensemble de l’UE
notamment – à l’éventuelle rupture de la fourniture de gaz russe, et à
un certain marasme économique, on peut donc dire
– malheureusement – que le gaz nous ramène... au chaos !
Jacques Groleau
Ah ! L’impact...
On déplore depuis quelques années l’emploi trop systématique et
abusif des mots
impact et
impacter. Il n’est pas un article, une émission
de radio ou de télévision qui ne nous afflige les yeux ou les oreilles par
l’usage excessif de ce substantif ou de ce verbe. Ce pourrait être risible.
En fait, ça devient insupportable. On n’est plus
touché ou
concerné, mais
impacté. Les
impacts pullulent, employés par les communicants,
économistes, technocrates et, bien sûr, par la classe politique qui s’en
voudrait de ne pas parler comme le bon peuple. Lequel exprime son
agacement vis-à-vis de pareille réduction de la langue française.
Souvenez-vous : en l’an 2000 le verbe
impacter ne figurait dans aucun
dictionnaire. Il n’existait pas... sauf dans un certain langage technique.
Impacter est un anglicisme (un de plus), car le verbe anglais
to impact
signifie « influer sur, peser sur, avoir des répercussions ».
De grâce, chers amis de la presse écrite et de l’audiovisuel, cessez de
nous faire souffrir par ces chocs et mitraillages qui meurtrissent nos
tympans et nos rétines. Cette violence qu’évoque le mot
impact produit
un effet néfaste. Nous vous suggérons de faire fonctionner votre
imagination : ce terme guerrier peut avantageusement être remplacé
par de nombreux autres mots. Ainsi, par exemple :
résultat,
conséquence,
heurt,
incidence,
influence,
rayonnement,
effet ou
répercussion.
Jean-Michel Luéza
Délégation de Bordeaux