Défense de la langue française   
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •
Les mots en famille
Prendre son pied !

Devenu bipède, l’homme a pris conscience très tôt de son ascendant sur les quadrupèdes. Il a voulu alors continuer à s’élever en montant sur un piédestal. Il a même aspiré à se retrouver sur un podium, parfois olympique.

Ainsi, rien de surprenant que de nombreuses expressions idiomatiques prennent appui sur le pied, le verbe français s’appuyer, en passant par l’espagnol apoyar, dérive de podium avec l’idée d’ « être sur un socle ».

La racine indo-européenne *ped- ou *pod- est apparue non seulement en grec avec pous, podos ou en latin avec pes, pedis mais aussi en allemand avec Fuss ou en anglais avec foot. Si le pied a su garder sa « mesure » en anglais, il a aussi su s’imposer avec le football et le footing, pseudo-anglicisme.

Rappelons, pour comprendre la mutation de pes en Fuss ou en foot, que le phonème p en langue romane devient f dans les langues germaniques à l’instar du latin pater, « le père », qui devient father en anglais et Vater en allemand.

Les pieds ! Tout un poème, penseront les poètes !

Grâce à nos pieds et à condition de ne pas nous lever du pied gauche, nous pouvons, dès le matin, être sur pied et avoir bon pied, bon oeil pour faire une randonnée pédestre.

Cette marche matinale, d’un pied ferme, nous ouvrira l’appétit pour déguster quelques gastéropodes, si nous avons l’estomac dans les talons.

Après le déjeuner, rien de tel que d’avoir les pieds tanqués pour faire une pétanque, mot venant de l’occitan , « pied », et tanca, « pieu », qui marque l’idée de jouer avec les pieds ancrés sur le sol sans prendre d’élan.

Notre première condition humaine est donc celle de piéton ! Pour éviter cependant de piétiner et d’avoir le piètre statut de va-nu-pieds ou de pion (doublet sémantique de piéton), nous avons su mettre le pied à l’étrier et accéder au statut de cavalier, voire de chevalier ! Statut aux antipodes de la piétaille.

Mais en remettant pied à terre pour reprendre pied, nous pouvons risquer une mise à pied, sauf à louvoyer en ayant le pied marin pour ne pas perdre pied. Aussi faut-il savoir sur quel pied danser pour trouver chaussure à son pied, expression datant du XVIIe siècle.

Il nous arrive malgré tout de nous prendre les pieds dans le tapis et d’être piégés, voire « empêchés », du bas latin impedicare. Ces verbes marquent l’idée d’avoir les pieds entravés.

Ce n’est donc qu’en levant les entraves que l’on peut, à l’opposé de impedicare, utiliser expeditare pour agir rapidement en libérant nos pieds. Nous pouvons alors être expéditifs et nous dépêcher. Il suffit alors d’expédier les affaires courantes. Des pionniers pourront même organiser une expédition au pied levé.

En cherchant la vitesse avec le vélocipède, l’apocope vélo nous a privés de la terminaison, mais la pédale reste pourtant bien présente dans ce moyen de locomotion. La voiture ne nous dispense pas pour autant du péage qui est étymologiquement le droit de mettre le pied lors d’un passage à condition de payer, ce qui vaut à ce mot le barbarisme « payage ».

Sans prendre toutes ces expressions au pied de la lettre, car elles ne sont pas toutes sur le même pied ni sur un pied d’égalité, on a pu constater que la liste était longue.

Ainsi peut-on même ajouter le pied-de-biche, utilisé par certains voleurs à pied d’oeuvre pour leur larcin. Qu’ils prennent garde toutefois que la police ne relève leur pedigree.

Ce curieux mot anglais vient de l’expression française j,. En effet, l’habitude était prise en Angleterre de faire trois traits, à la fin des actes de succession ou de généalogie, traits ressemblant à la forme d’un pied de grue.

Mais terminons par un amusant contre-pied ! Un pied de nez !

Il nous est fourni par un juron du capitaine Haddock qui s’en prend, dans Tintin et les Picaros, à un sombre « oryctérope » qui aurait remplacé, selon lui, son whisky par un extrait d’eau de Javel ! Ainsi apparaît un animal termitivore d’Afrique du Sud, baptisé par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire en 1796 à partir du grec oruktêr, « celui qui creuse », et pous, « le pied ».

En effet, grâce à ses pieds fouisseurs, cet animal nyctalope creuse les termitières, ce qui lui permet, avec sa langue gluante, de se délecter d’insectes xylophages !
L’oryctérope ne saurait donc être chassé à coups de pied et répudié.

L’art de la conclusion reste bien sûr celui de savoir retomber sur ses pieds à la fin de l’histoire. Toute cette recherche m’a donné soif, je prendrais bien volontiers maintenant un verre...à pied !
Philippe Le Pape
Délégation de Touraine

Épreuve « anxiogène »

L’épreuve de français est supprimée d’un concours d’accès aux écoles d’ingénieurs

Le concours Puissance Alpha, qui donne accès à 19 écoles d’ingénieurs post-baccalauréat, a décidé de supprimer l’épreuve écrite de français en 2025. Désormais, les épreuves permettant d’évaluer les compétences jugées essentielles à la formation se limiteront aux mathématiques, aux sciences appliquées et à l’anglais.

Jusqu’à présent, le concours comportait une épreuve de français de 45 minutes sous forme de QCM évaluant la grammaire, la compréhension écrite et l’orthographe des candidats. La présidente du concours a donné plusieurs raisons bizarres et contradictoires pour justifier cette décision étrange : « Il ne s’agissait pas d’un indicateur fiable. Certains candidats ne la préparaient pas, elle ne faisait pas de différence significative entre les candidats (car souvent rattachée à un coefficient 1) et elle pouvait aussi être anxiogène, voire engendrer un biais social discriminant. »

La présidente semble considérer que la maîtrise de la langue française est l’apanage d’une catégorie sociale privilégiée. Dans ce cas, pourquoi la connaissance de l’anglais ne serait-elle pas également « socialement discriminante » ? Quant au caractère « anxiogène », il paraît douteux pour une épreuve dont le coefficient est tellement faible que « certains candidats ne la préparaient pas ».

Au-delà de ces justifications laborieuses et incohérentes, cette décision illustre une dérive : l’anglais serait considéré comme un prérequis indispensable, au détriment du français. Cette évolution ne fait pas l’unanimité. D’autres avis défendent l’importance des compétences linguistiques et rédactionnelles pour de futurs ingénieurs : ceux-ci devront rédiger et communiquer dans un contexte professionnel, social et administratif qui ne sera pas exclusivement anglo-saxon.

Comme l’écrit le journaliste scientifique Steven Soarez : « Supprimer l’épreuve de français [...] c’est considérer que la maîtrise de notre langue n’est pas primordiale, même pour des scientifiques. C’est une erreur. La formation des ingénieurs de demain devra intégrer, au-delà des compétences scientifiques de haut niveau, une solide culture générale incluant la maîtrise de la langue. »

Pierre Gusdorf
Retour sommaire
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris •