Défense de la langue française   
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •
Les mots en famille
Un demi ou une pinte?
Savoir choisir la bonne mesure


La bière est une boisson appréciée par nos concitoyens. Mais quelle quantité boire, un demi ou une pinte ?

La langue française est pourtant claire, non comme de l’eau de roche, mais plutôt en l’espèce comme une belle blonde, une belle brune ou une belle rousse, voire ambrée ! Si l’on se réfère au litre, commander un demi de bière devrait, de prime abord, permettre de boire cinquante centilitres, soit un demi-litre. Or, que nous apportent les garçons de café ? Un verre de bière de vingt-cinq centilitres, soit seulement un quart de litre ! Le compte n’y est pas.
Quelle frustration !

Pour pouvoir boire un demi-litre, il faut alors choisir la langue anglaise et demander non pas un demi, mais une pinte ! Dans les « pubs » anglais, une pinte de bière correspond à 0,568 litre. Cette unité de mesure a été instaurée par le gouvernement anglais en 1698, date à laquelle a été créé le « système d’unité impérial ». La pinte anglaise est donc légèrement supérieure à la pinte française qui représente juste un demi-litre.

La pinte tire son nom du mot latin pincta, qui voulait dire « mesure peinte ». En effet, au Moyen Âge, les récipients de mesure étaient marqués avec des lignes ou des repères peints pour indiquer la quantité exacte de liquide contenue.

Ajoutons que la pinte de bière accompagne parfaitement toutes sortes de mets, y compris la pintade. Association étymologique justifiée, car le mot pintada emprunté au portugais signifie « oiseau peint » en raison de son plumage pointillé de blanc.

Mais revenons à notre demi de bière, comment a-t-il été réduit à un quart de litre ? Certains l’expliquent par le fait que l’expression « un demi » ne ferait pas référence au litre, mais à la traduction de l’anglais half pint, « une demi-pinte », ce qui fait bien ici un quart de litre.

L’unité de mesure sous-entendue ne serait donc pas le litre, mais la pinte ; ainsi en toute logique devrait-on dire « une demie » et non « un demi ». D’autres linguistes, pour justifier le masculin, y voient une référence au demi-setier.

L’Académie française rappelle cependant dans la première édition de son dictionnaire : « On appelle ordinairement demi-setier une petite mesure de liqueurs, qui contient le quart d’une pinte. Un demi-setier de vin. » Le compte n’y est donc pas, car un quart de pinte ne correspond pas à la demi-pinte.

Il faudrait donc en déduire que les vingt-cinq centilitres apportés pour un demi seraient bien une demi-pinte et que c’est la confusion avec le litre qui aurait créé le masculin.

Quoi qu’il en soit, c’est l’occasion de boire avec modération, car « l’abus de la bière conduit à la bière ! » comme dit le proverbe. Ici le deuxième mot bière, au sens aussi funèbre que lugubre, est à la fois homonyme homophone et homonyme homographe.

Cette facétie du langage est digne d’un « galopin », autre unité de mesure de bière, plus petite encore, et ne faisant que douze centilitres et demi, soit un demi d’une demi-pinte, c’est-à-dire le fameux demi-setier, le quart de pinte ! Cela évite d’être pinté. Vous avez suivi ?

Outre-Rhin, autre pays de la bière, la pinte fait place à la chope, souvent associée aux grandes fêtes allemandes de la bière comme l’ « Oktoberfest » à Munich. À cette occasion, les chopes ne correspondent plus à une simple pinte mais à des doubles pintes, soit un litre de bière que nous appelons chez nous un « formidable ».

Sensibles à la chope, nous en avons même fait des chopines, mot désignant à l’origine une contenance d’une demi-pinte pour boire de la bière. Du galopin à la chope, en passant par le demi ou la pinte, vous avez ainsi le choix entre toutes les contenances, n’est-ce pas « formidable » ?
De quoi se faire mousser à souhait !

Philippe Le Pape Délégation de Touraine

Antonomase ? Quésaco ?
Des noms propres devenus bien(s) communs

Eugène Poubelle (1831-1907) : Histoire d’un nom propre

Au XIXe siècle, la France entre, avec Louis Pasteur, dans « l’ère de l’hygiénisme ». Paris est alors insalubre. Eugène Poubelle est nommé préfet de la Seine le 13 octobre 1883. Il s’illustre aussitôt en prenant deux arrêtés, les 24 novembre 1883 et 7 mars 1884, obligeant les propriétaires d’immeubles à mettre à disposition de leurs locataires des récipients avec couvercles pour les déchets.

Ainsi sont créées les fameuses boîtes « poubelle ». Le tri est instauré, il y a une boîte pour les ordures ménagères, une deuxième pour les papiers, cartons et chiffons et une troisième pour le verre, la faïence et les coquilles d’huîtres !

Les chiffonniers qui « faisaient » nos ordures se trouvent alors privés de leur collecte. La presse se déchaîne. Le journal L’Intransigeant du 23 janvier 1884 titre : « 40 000 Affamés ». On peut lire : « L’ordure qu’il est urgent d’envoyer avant toutes les autres au dépotoir, c’est l’arrêté Poubelle. On y joindrait même son auteur, que nous n’y verrions aucun inconvénient. »

La boîte à ordures deviendra la boîte « poubelle » et le mot fera son entrée dans le dictionnaire Larousse en 1890. Eugène Poubelle deviendra ambassadeur de France au Vatican de 1896 à 1898. Son mariage le placera à la tête d’importants domaines viticoles dans l’Aude. Il deviendra alors un ardent défenseur des vins du Midi jusqu’à la fin de sa vie.
Philippe Le Pape
Délégation de Touraine
Retour sommaire
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris •