Défense de la langue française
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DLF, n° 263
MAUDITS MOTS. LA FABRIQUE DES INSULTES RACISTES de Marie Treps
TohuBohu éditions, 2017, 328 p., 20 €
Racistes, vraiment ? Pour moi, qui suis mâtinée d’Alsace, de
la Bible, des Évangiles, de Gaulois et de Francs, de frites et
de couscous, nous ne sommes pas racistes, mais tout simplement, tout
bonnement, tout purement « autristes ». Il nous déplaît, il nous fait peur,
elle nous insupporte : ils sont autres, ils sont différents, et c’est inadmissible !
Mais que voilà un bel et salutaire ouvrage, qui vient à point nommé... sous
la plume de l’auteur des Mots voyageurs... migrateurs... caresses...
Son triste inventaire des mots irraisonnables, des insultes racistes, va des
plus « insignifiants » aux plus outrageants. Il nous montre leur fabrication,
leurs fallacieux motifs, les circonstances historiques qui les auraient justifiés.
Au risque de nous tordre les pieds et d’être pris de nausées, dans
l’immense domaine des injures destinées aux Allemands – boches, doryphores,
sauterelles... aux Arabes – bicot, crouillat... aux Asiatiques – macaque, niakoué...
aux Espagnols et Portugais – espingoin, portos... aux Juifs – feuj, youtre... aux
Noirs, aux Slaves... nous trouverons fort honorable compagnie, propre
à nous encourager dans cette logorrhée malsaine et à « libérer notre
parole » (sic) : de Michel Leiris à Claude Mauriac, de Pierre Loti à Lacretelle,
de Saint-Simon à Paul Morand... Bien entendu, nous autres Gaulois,
franchouilles, blonblons, fesses d’aspirine, ne sommes pas épargnés.
Un grand merci à une linguiste aussi avisée que pleine d’humour.
Nicole Vallée
RETOUR SUR L’ACCORD DU PARTICIPE PASSÉ ET AUTRES BIZARRERIES DE LA LANGUE FRANÇAISE de Martine Rousseau, Olivier Houdart, Richard Herlin
Flammarion, 2016, 320 p., 17 €
« Vous avez dit bizarre ? » Il n’a pas fallu moins de trois distingués correcteurs d’un
« grand journal du soir », auteurs du blogue « langue sauce piquante », pour nous
faire bénéficier de leur compétence et nous permettre d’affronter victorieusement
les problèmes que nous avons à résoudre quand nous devons rédiger un texte. Citons
quelques chapitres : « Des questions fréquentes... ou insolites » ; « Les pléonasmes ou le radotage
chic » ; « Les fautes les plus courantes » ; « Les mots mal compris » ; « La féminisation » ; « La
grammaire se renforce en s’épurant » ; « Des mots oubliés ». Notons au passage que nos experts
font leur miel des âneries proférées concernant la prétendue « réforme » de l’orthographe.
Désormais, vous ne vous perdrez plus dans les règles typographiques, grammaticales... Finis la langue
de bois, l’abus des majuscules, la ponctuation boiteuse, les anglicismes impertinents, les participes
passés désaccordés... les omniprésents clichés... la féminisation mal maîtrisée... Petite bibliophilie
incitative. Un index n’aurait pas été inutile.
Nicole Vallée
L’OREILLE TENDUE, de Benoît Melançon
Del Busso éditeur, Montréal, 2016, 416 p., 27,95 $
Benoît Melançon, professeur à l’université de Montréal, est un observateur constant
et passionné du parler du français d’Amérique. Souvent il critique les façons de dire
de ses concitoyens ; souvent il en apprécie la créativité. Le volume reprend 300 textes
publiés sur le blogue de l’auteur. Ce dernier explique ce que signifie le titre du
volume :« Avoir l’oreille tendue, c’est se souvenir que son grand-père disait slices pour sandwichs ; c’est
regarder, sourire en coin, le plombier qui s’interroge sur la problématique de son tuyau ; [...] c’est prendre
la langue au sérieux, sans montée de lait, mais en pestant à l’occasion. » Le florilège intéressera tous
les observateurs du français parlé au Québec et dans son voisinage.
Gaston Bernier
L’ACADÉMIE CONTRE LA LANGUE FRANÇAISE. LE DOSSIER FÉMINISATION par Éliane Viennot, Maria Candea, Yannick Chevalier, Sylvia Duverger, Anne-Marie Houdebine,
couverture « Louise Labbé, revue façon Warhol » par Sophie
Éditiosn iXe, « xx-y-z », 224 p., 17 €
Un titre provocateur ? Certes. Mais chers lecteurs et surtout lectrices, justifié par le
farouche combat livré depuis les années 1980 par les quarante immortels(les)
occupant le « Saint-Siège » contre la féminisation dramatique des noms de fonctions ou de métiers
prestigieux (jusque-là surtout masculins). Cela, en dépit des avis de diverses commissions de
terminologie, de nouvelles appellations dans les pays francophones, des usages qui prévalent
désormais chez nous, du bon sens, et aussi du fait qu’aujourd’hui aucun(e) académicien(ne) n’est
grammairien(e), philologue ou linguiste (à l’instar des universitaires auteurs de ce roboratif ouvrage),
voire pas écrivain... Les quelques perles que j’ai recueillies, omettant charitablement les noms de
leurs péremptoires fabricants, sont édifiantes : « Devrons-nous parler de Mme Mitterrande, Mme Fabia ?
Une tendronne, une trottine ? Escroques et sacripantes ? Essayons de retrouver un peu de virilité ! Ministresse,
notairesse, doctoresse... quelle horreur ! »(Et princesse, et enchanteresse ?)
Quant aux douloureuses suppliques adressées à diverses « autorités » elles sont délectables... Où
voit-on que la ministre serait plus attentatoire à notre langue que la secrétaire ou la pianiste ? La
professeure ou l’ingénieure que la prieure ? La sénatrice que l’institutrice ? La rectrice que la
directrice ? Au XVIIe siècle, il y avait de vraies ambassadrices (nommées par Louis XIV) et nul n’aurait osé se formaliser du terme. Quant à nos actuelles préfètes et sous-préfètes, générales et colonelles,
c’est tout à fait abusivement qu’on attribuait ces titres aux « épouses de ».
Oui, l’Académie actuelle, suivant une certaine tradition, est bien, en partie au moins, opposée à
l’évolution normale du français vers une inévitable féminisation. Mais le combat doit se poursuivre,
car « ce n’est pas la langue qui refuse, ce sont les têtes » (Benoîte Groult). Énorme bibliographie.
Nicole Vallée
DIRE, NE PAS DIRE. DU BON USAGE DE LA LANGUE FRANÇAISE, VOLUME 3, par l’Académie française
Philippe Rey, 2016, 192 p., 12 €
Que d’impairs, de contresens, d’à-peu-près, d’anglicismes, de tics, de cuirs, dans
lesquels nous nous vautrons d’autant plus allègrement que nul ne s’en aperçoit ou
s’en formalise... Eh bien, n-i-ni, c’est fini ! Grâce à des académiciens et linguistes aussi
avisés que passionnants, voici, à nouveau, plus de 150 emplois fautifs exposés, commentés, corrigés.
Peut-on dire : « Après acception du dossier »1 ; « Se perdre dans des digressions »2 ; « Mon futur
s’éclaircit »3 ; « Il ne se départ jamais de son calme »4 ; « Postuler à un emploi »5 ; « Des progrès
notables et un crime notoire »6 « Sa plaie s’est infestée dans ce pays infecté par le paludisme »7...
Quant à la postface, c’est un vibrant appel, auquel nous adhérons sans réserve, contre les projets
de réforme de l’orthographe qui dégraderont notre langue sans la rendre plus « facile »...
Nicole Vallée
1. Non. 2. Oui. 3. Non. 4. Oui. 5. Non. 6. Oui. 7. Non.
RENOMMER, de Sophie Chérer, illustré par Philippe Dumas
L’École des loisirs, 2016, 278 p., 16,50 €
Pourquoi les mots ont-ils besoin d’être renommés ? Parce que, d’avoir trop servi, leur
sens s’est édulcoré. Et même, sait-on s’ils ont encore un sens et ne sont pas là par
hasard ? « Les mots rêvent d’être nommés », dit Apollinaire, et Sophie Chérer s’est engagée
dans la recherche exigeante de leurs secrets cachés dans l’étymologie. Grâce à ce
retour aux origines, l’écrivain a fasciné des classes entières de collégiens brusquement
passionnés par le grec et le latin. Lire, par exemple, les pages qui traitent de la vérité. En grec,
aletheia signifie « éveil, attention, non-oubli ». D’autres significations, issues de l’hébreu, du chinois
ou du sanskrit, conduisent toutes à la prise de conscience de nos devoirs de justice et de liberté.
En somme, parler requiert « des efforts constants, une vigilance de chaque instant » pour ne pas dénaturer
la parole et les liens qu’elle établit entre nous. Ainsi Mme Chérer ridiculise-t-elle avec humour la
langue de bois, « qui ne dit pas vrai mais dissimule, élude et obscurcit » : produits phytosanitaires, chirurgie
ambulatoire, frappes chirurgicales, effets secondaires, catastrophes naturelles, pensée unique, développement
durable, quartiers sensibles, etc. L’analyse de ces expressions « aiguise bien notre jugeote », de même
que certains chapitres sur Descartes ou Freud, qui ne sortent pas indemnes de cette considérable
remise en ordre de nos connaissances. Les illustrations sont savoureuses (voir en particulier les
injures, le bestiaire et la loi de la jungle).
Monika Romani
CURIEUSES HISTOIRES DES NOMS DE LIEUX DEVENUS COMMUNS, de Christine Masuy
Éditions Jourdan, illustrations d’époque, 2012, 264 p., 15,90 €
Vous n’êtes pas sans savoir que le scandaleux maillot deux-pièces apparu en 1946 fut
baptisé « bikini » en l’honneur (!) des essais atomiques étatsuniens entamés sur l’atoll
de Bikini. Mais vous ignorez peut-être que le denim dont on fait les jeans vient de...
Nîmes ; que la berline, modèle le plus courant sur nos routes, fut mise au point à Berlin,
au XVIIe siècle, et offerte à Louis XIV par le prince de Brandebourg ; que la cravate est due à l’esprit ingénieux des militaires croates ; que le drôle de petit pékinois – né, dit la légende, des
amours d’un lion et d’une guenon – était l’apanage exclusif de l’empereur de Chine.
Nicole Vallée
LE FABULEUX DESTIN DES NOMS PROPRES DEVENUS COMMUNS de Jean Maillet, préface d’Étienne de Montety
Le Figaro Littéraire, « Mots & Caetera », 2016, 136 p., 12,90 €
Par quel cheminement un nom propre devient-il commun ? Autrement dit, comment
une identité singulière appartenant à un personnage de la Bible, de la mythologie ou
de l’Histoire, ou encore à un lieu géographique, peut-elle se métamorphoser en objet
du quotidien et devenir la propriété des usagers de la langue ? Le linguiste Jean Maillet
s’est penché sur ce parcours afin d’en éclairer la rationalité ; car si certains noms propres ont acquis
un destin en figurant plus longtemps dans les dictionnaires que leur original, c’est bien parce qu’ils
le méritent ! Ainsi de ces délicieux fromages, camembert, livarot, roquefort et parmesan, qui ont
rendu célèbre leur village. La gastronomie porte ses lettres de noblesse avec le marquis de Béchameil
dont la sauce onctueuse a modifié quelque peu l’orthographe, tandis que la gourmandise du comte
de Praslin s’étale dans les confiseries. Rendons hommage au chanoine Kir à l’heure de l’apéritif,
et évoquons avec reconnaissance tous les naturalistes et capitaines au long cours qui ont rapporté
de leurs lointains périples des brassées de fleurs, bégonias, bougainvillées, camélias, dahlias, fuchsias,
gardénias, zinnias et magnolias ! Mais l’auteur nous explique aussi comment la syphilis, le véronal,
la morphine, les macchabées ou le capharnaüm ont perdu leur majuscule pour acquérir en revanche
une certaine notoriété.
Monika Romani
Signalons aussi :
- CAHIER DE DICTÉES POUR LES NULS, de Jean-Joseph Julaud (First, 2017, 144 p., 12,95 €).
- LA DICTÉE, UNE HISTOIRE FRANÇAISE, de Laure de Chantal et Xavier Mauduit, préface d’Erik Orsenna
(Stock, 2016, 260 p., 17,50 €).
- LE DÉFI DE L’ÉCRITURE, de Maurice Bonnet, préface de Michel Mourlet (Via Romana, 2016, 186 p., 10 €).
* * *
- DIALOGUES SINGULIERS SUR LA LANGUE FRANÇAISE, de Michael Edwards, de l’Académie française (PUF,
2016, 216 p., 14 €).
- ENRICHISSEZ-VOUS : PARLEZ FRANCOPHONE !, de Bernard Cerquiglini (Larousse, 2016, 356 p., 17,95 €).
- PETIT DICTIONNAIRE AMUSANT DES APTONYMES, de Sandrine Campese (Larousse, 2017, 160 p., 8,95 €).
- Aux Éditions de l’Opportun, 2016 :
• 99 NOUVEAUX DESSINS POUR NE PLUS FAIRE DE FAUTES, de Sandrine Campese (220 p., 9,90 €).
• INOUBLIABLES EXPRESSIONS DE GRAND-MÈRE, de Jean Maillet (432 p., 12,90 €).
- LE FRANÇAIS EN LIBERTÉ. FRENGLISH OU DIVERSITÉ, de Patricia Latour et Francis Combes, préface de Claude
Hagège (Le Temps des Cerises, 2016, 166 p., 12 €).
- LA NOUVELLE ORTHOGRAPHE EXPLIQUÉE À TOUS !, de Dominique Dupriez (Albin Michel, 2016, 128 p., 6,90 €).
- DE LA NÉCESSITÉ DU GREC ET DU LATIN, de Gilles Siouffi et Alain Rey (Flammarion, 2016, 192 p., 15 €).
- DE L'ABORIGÈNE AU ZIZI, de Bruno Dewaele (Michel Lafon, 2016, 320 p., 16,95 €).
- KIT DE SECOURS POUR LES NULS EN ORTHOGRAPHE, de Julien Soulié (First, 2016, 360 p., 14,95 €).
- AU BONHEUR DES FAUTES. CONFESSIONS D’UNE DOMPTEUSE DE MOTS, de Muriel Gilbert (La Libraire
Vuibert, 2017, 250 p., 17,90 €).
- LES FIGURES DE STYLE, de Patrick Bacry (Belin, 2017, 480 p., 11,90 €).
Nos adhérents publient
- La Nomination dans l’art,
étude des oeuvres de l’artiste
Mircea Bochis, peintre et
sculpteur, de Marcienne Martin
(L’Harmattan, « Nomino ergo
sum », 2017, 286 p., belles
reproductions en couleur des
oeuvres, 30,40 €).
- Alain Dubos nous conte
L’Épopée américaine de la
France. Histoire de la Nouvelle
France (Bertrand-Lacoste,
2017, 264 p., 19,50 €) : la fin
d’une saga, en Amérique
du Nord, qui fut en grande
partie française aux XVIIe et
XVIIIe siècles.
- Jacques-Yves du Brusle de
Rouvroy a réuni les poèmes
écrits par ses grands-parents,
sa mère, lui-même et ses
petites-filles, dans Écritures
familiales (Éditions Thierry
Sajat (214 p., 15 €).
- Certainement à lire, le
nouveau roman d’Henri
Girard : Droit devant toi
(Éditions de la Rémanence,
2017, 180 p., 13 €, liseuse :
5,99 €).
- Pour les amateurs, Giovanni
Dotoli publie un très beau
recueil : Onomatopoésie,
illustré par Alain Béral et
préfacé par Alain Rey (Le
Nouvel Athanor, 2017,
156 p., 30 €).
- Louis Bachoud, architecte,
a publié aux éditions Valensin
(« David Reinharc », 2016,
190 p., 23 €) Histoire de
pierres, passionnant roman
« pétri d’histoire », préfacé par
Axel Maugey.
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