Défense de la langue française   
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DLF, n° 277


L’HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE. UN VRAI ROMAN de Jean Pruvost
Le Figaro littéraire, « Mots et cætera », 2020, 128 pages, 12,90 €
Le Trésor de la langue française : une affaire de famille(s) dont l’arbre généalogique s’étire anciennement sur deux continents, avant de contracter de nombreuses alliances mouvementées avec des peuples européens et arabes.
Autour de - 6500 à - 5500, un lointain cousinage nous situe en Inde, immergés dans le sanskrit, forgeant nos racines avec d’autres êtres parlants dont l’idiome se transformera ultérieurement en russe, persan, anglais, italien, allemand, etc. Certes, point de traces écrites de nos aïeux nomades, mais l’insatiable curiosité des linguistes a permis de transformer en science ce qui serait demeuré un mythe.
Et nos ancêtres les Gaulois ? Là aussi, rectifions nos croyances, car Jean Pruvost nous rappelle que cette vigoureuse branche celtique implantée au nord-ouest de l’Europe souffrait d’une grave lacune : elle n’écrivait pas, ou si peu. Les paroles envolées ont laissé un mince vocabulaire où la nature est à l’honneur (chêne, bouleau, if, lande, bruyère, alouette...) avec quelques objets agricoles, le tout formant quand même un beau « substrat ».
C’est alors que surgissent les conquérants romains ; ils nous enseignent le latin et l’ébauche d’une civilisation pérenne. Jusqu’au jour où des guerriers venus de l’Est franchissent le Rhin au Ve siècle et enrichissent notre vocabulaire de termes plutôt belliqueux. Parmi ces peuples dits « barbares », les Burgondes, les Vandales puis les Francs, d’où un nom de pays, Francia, Francie et France.
Mais la langue est en pleine gestation, nous n’avons pas encore subi les incursions réitérées des Vikings, ni goûté les sortilèges de l’Orient à la suite de la conquête musulmane.
Au coeur de cette passionnante épopée, l’auteur signale deux évènements majeurs comme autant de points de repère : d’abord un texte (pour nous autres lecteurs, un vrai message chiffré !) daté du 4 février 842 : les Serments de Strasbourg échangés entre les petits-fils de Charlemagne, Charles le Chauve et Louis le Germanique, qui marquent à leur insu la naissance de l’écrit, son noyau dur originel. Ensuite, le 10 août 1539, François Ier signe l’ordonnance de Villers-Cotterêts conférant au français un statut officiel. Suivront cinq siècles de croissance sans limites de ce grand corps vivant écartelé entre les patois et le beau langage, asservi à la grammaire et à l’orthographe, encadré par l’autorité des dictionnaires, notamment de l’Académie française, ennobli par la littérature, jusqu’au verlan et au rap ! Monika Romani

DÉFENSE ET ILLUSTRATION DE LA LANGUE FRANÇAISE ET DE LA FRANCOPHONIE de Giovanni Dotoli
L’Harmattan, « L’orizzonte », 2019, 222 pages, 20 €
En 1549, Joachim Du Bellay défendait déjà ardemment la langue française, contre l’ignorance du peuple, face au grec et au latin, ainsi qu’à l’italien, à l’époque aussi menaçant que l’anglais de nos jours. Le poète de la Pléiade sera amplement récompensé de son Manifeste puisque, jusqu’à une période récente, le français va se situer en position de suprématie internationale. Hélas, au XXIe siècle, Giovanni Dotoli mène un combat d’autant plus âpre que depuis une trentaine d’années, la situation est alarmante ; notre langue est-elle encore celle de la modernité, se demande l’auteur ? Désaffection de la jeunesse, ratés de la révolution électronique, société de consommation largement acquise aux McDo, Coca-Cola, Apple, jeans, anglomanie galopante, etc. Plus grave encore, les sciences se pratiquent toutes en anglais, publications, cours, séminaires, et même CV pour postuler dans certaines entreprises ! Cependant, ce pessimisme pourrait se nuancer grâce aux perspectives offertes par la Francophonie, cette institution de « cohabitation culturelle » hors les murs, espace ouvert d’une liberté linguistique dynamique prête à relayer la grande fatigue de notre cher et vieux pays. Monika Romani

DICTIONNAIRE DES NOMS DE LIEUX ET DES LIEUX-DITS DU PAS-DE-CALAIS de Jean-Claude Malsy
Passerelle (10, square du Grand-Condé, BP 136, 62803 Liévin cedex), 2019, 352 pages + DVD, 49 €
Somme monumentale sur l’origine, l’étymologie, l’histoire des toponymes. Cet ouvrage sans égal par l’abondance et la précision de l’information, est une référence épistémologique pour la recherche toponymique. Par ses développements généraux et l’analyse de modèles onomastiques dont l’intérêt dépasse largement la région, c’est une source d’informations sur l’histoire de la langue à travers le patrimoine des noms propres dont l’étude révèle des origines et évolutions surprenantes. Ange Bizet

LES PETITS PLATS DANS LES GRANDS d’Henriette Walter
Robert Laffont, 2020, 288 pages, 21 €, liseuse 14,99 €
« De toutes les passions, la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise », disait Maupassant. Parce que la nécessité biologique de se nourrir est radicalement différente du goût raffiné de la délectation, l’authentique gourmet rencontre chez Henriette Walter tous les ingrédients propres à le rassasier, bien que cet ouvrage ne comporte aucune recette culinaire ! Car le repas existe déjà dans son évocation, la mise en bouche se fait d’abord par la parole, il y a une érotique du langage culinaire qui aime disserter longuement sur ce qui se trouve dans nos verres et nos assiettes.
Ainsi, savourer des asperges ne peut manquer de rappeler celles de la toile d’Édouard Manet, le melon est plus savoureux lorsque l’on apprend qu’Alexandre Dumas en raffolait, et on ne refuse jamais les petits pois, légume favori de Flaubert.
Les plaisirs de la table permettent aussi de visiter l’Histoire sous un angle inhabituel et prosaïque ; ainsi, c’est à Catherine de Médicis que nous sommes redevables de la culture des artichauts, des brocolis et des épinards. Mais aussi de la frangipane, délicieuse crème aux amandes qui garnit nos galettes des rois, création du comte Cesare Frangipani.
Encore l’Italie, qui se situe en tête des contrées citées par l’auteure, sans doute en raison de la liste non exhaustive des variétés de ses pâtes, à distinguer de l’unique nouille, d’origine allemande ou alsacienne.
En somme, s’inviter au Banquet d’une linguiste passionnée de cuisine, c’est l’assurance d’échapper à la vulgarité de La Grande Bouffe. Monika Romani

Et un livre plus ancien, mais dont nous n’avions pas eu la place de publier la recension.

LES FIGURES DE STYLE. ET AUTRES PROCÉDÉS STYLISTIQUES de Patrick Bacry
Belin, « Alpha », 2017, 480 pages, 11,90 €
Patrick Bacry nous entraîne à travers un savant vagabondage, celui des multiples visages du style, destiné aussi bien à un public d’érudits qu’à tout lecteur passionné par l’écriture. Car les citations choisies afin d’éclairer des définitions souvent ardues manifestent la créativité à l’infini du verbe, ce bouleversement continuel qui transforme les règles de la syntaxe apprises en toute rigueur à l’école.
Ainsi cette phrase de Borges : « Babylone, Londres, New York et leurs tours populeuses ou leurs avenues urgentes », ou ces vers de Heredia évoquant « les Héros d’airain/ dont l’herbe solitaire ensevelit la gloire ». Le climat d’étrangeté onirique qui émane de ces textes s’explique par l’hypallage, procédé qui consiste à déplacer un mot, le plus souvent une épithète, produisant ainsi un écart par rapport à la norme.
Montaigne s’autorisait des paronomases, ou formules lapidaires, consistant à rapprocher des termes aux sonorités voisines : « Je prêterais aussi volontiers mon sang que mon soin », ou « tel fait des Essais qui ne saurait faire des effets ». Quant à ce cardinal qu’évoque Saint-Simon, « un des plus capables et des plus papables », il porte à son insu une homéotéleute, c’est-à-dire une relation entre deux vocables se terminant de manière identique.
Et lorsque Corneille écrit : « Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis », il nous livre une syllepse qui a dû faire pâlir bien des collégiens ! Mais n’allons pas croire que l’univers du style soit réservé à la seule littérature. Les médias et la chanson s’y taillent une belle place, et la publicité s’en donne à coeur joie, accumulant calembours, homophonies, allitérations et autres métonymies dans des exercices de style tels que « ça va faire mâle » mais « faire mâle , c’est bien » (pour des sous-vêtements masculins), jusqu’à atteindre parfois des formules qui frisent le nonsens total, nous dit le linguiste, avec ce bizarre « Ils sont tous Morgan de toi ». Mais les adeptes de la marque auront compris... Monika Romani

DICOVID19 d’Henri Goursau
Auteur et éditeur de nombreux dictionnaires, Henri Goursau vient de mettre en ligne ce dictionnaire numérique sur le thème de la pandémie de coronavirose. Cet ouvrage comporte déjà plus de 240 entrées, d’Académie nationale de médecine à zoonoses. Les définitions simples traitent de la chose plus que du mot, avec le sens terminologique pour des sigles, des expressions, des anglicismes, des néologismes. On y trouve au hasard endémie, EPI, virose, charge virale, ochlophobie... L’édition numérique permet l’évolutivité, consultable avec le lien : https://dicovid19.com/ . Ange Bizet

        Signalons aussi :
  • LES MOTS QUI ONT TOTALEMENT CHANGÉ DE SENS, d’Alice Develey et Jean Pruvost
    (Le Figaro littéraire, « Mots et cætera », 2020, 128 p., 12,90 €).
  • LE FRANÇAIS, UNE LANGUE POUR LE MONDE, d’Alain Sulmon, préface de Jean Pruvost
    (Éditions Glyphe, « Le français en héritage », 2020, 120 p., 14 €).
  • LA STORY DE LA LANGUE FRANÇAISE. CE QUE LE FRANÇAIS DOIT À L’ANGLAIS ET VICE VERSA, de Jean Pruvost (Tallandier, 2020, à paraître).

  • * * *
  • JE PARLE COMME JE SUIS. CE QUE NOS MOTS DISENT DE NOUS, de Julie Neveux
    (Grasset, 2020, 304 p., 20,90 €, liseuse 14,99 €).
  • DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE ET CRITIQUE DES ANGLICISMES, de Peter Weisman (Droz, 2020, 1053 p., 49, €).
  • PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2021, avec carte d’activation du Dictionnaire Internet Larousse 2021 (2020, 2 044 p., 30,95 €). GRAND LAROUSSE ILLUSTRÉ 2021 (2020, 2112 p., 45,90 €).
  • LES 100 PLUS BELLES LETTRES DE LA LANGUE FRANÇAISE, sous la direction de Marc Feuillée (Le Figaro littéraire, 2020, 206 p., 9,90 €).
  • BIZARRE, VOUS AVEZ DIT BIZARRE ? CABINET DE CURIOSITÉ DE LA LANGUE FRANÇAISE, de Françoise Nore (Les Éditions de l’Opportun, 2020, 272 p., 16,90 €).
  • 1 000 EXERCICES D'ORTHOGRAPHE, DE GRAMMAIRE ET DE CONJUGAISON, SPÉCIAL LYCÉE ET +, de Line Sommant (Larousse, 2020, 288 p., 8,95 €).
Nos adhérents publient
  • Jean Sarraméa a fait imprimer son poème « Espoir » sur une carte postale exposant ce mot.
  • Dans La Galerie des femmes (L’Harmattan, 2020, 256 p., 21,50 €), Bernard Leconte nous sert « une étude pathétique et drôle sur une espèce toujours observée et jamais comprise... ».
  • À offrir : l’Anthologie de la poésie française, de Jean- Joseph Julaud, illustrée par Pierre Fouillet (Éditions First, 2020, 240 p., 14,95 €, liseuse 10,99 €).
  • Marcienne Martin est citée dans Causette (juillet-août 2020) pour sa thèse consacrée aux pseudonymes. Sa conférence, « Du totémisme à la toponymie : l’exemple des groupes amérindiens », a été publiée dans Circulations linguistiques dans les noms propres, sous la direction de Michel Tamine (L’Harmattan, « Nomino ergo sum », 2020, 456 p., 42 €).
  • André Cherpillod, qui nous confie souvent des articles, nous a adressé Espéranto ou Babel : faut choisir, ouvrage qu’il a publié en 2015 et dans lequel il explique les nombreux avantages du parler espéranto.
  • Et si..., un nouveau recueil de bien beaux poèmes d’Achour Boufetta (Edilivre, 2020, 22 p., 18 €).
  • Dans la Revue francophone d’information (n° 4) d’Alain Ripaux, « plusieurs articles et rubriques sont consacrés à la défense de la langue française et à la francophonie ».
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