Défense de la langue française   
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DLF, n° 284


COMMENT DIRE ? UTILISEZ LES FIGURES DE STYLE EN FONCTION DE VOS BESOINS de Jean-Pierre Colignon
EdiSens, « En français dans le texte », deuxième édition, 2022, 256 pages, 16 €
Figures de style : quelle jolie formule, fluctuante comme un visage selon son humeur, élégante surtout, à l’instar des trouvailles fabriquées avec les seules vingtsix lettres de l’alphabet. Certes nous en pratiquons déjà quelques-unes à notre insu, comme M. Jourdain la prose, et ce savoir intuitif nous valait de bonnes notes de rédaction. Mais Jean-Pierre Colignon manifeste beaucoup d’exigence en s’adressant à tous ceux dont le désir est de s’exprimer en profondeur dans leurs textes et leurs conversations. Son ouvrage remarquablement pédagogique se compose d’une suite de leçons et devoirs corrigés dont les moments de détente (la récré !) sont la lecture des exemples offerts par nos grands auteurs et tant d’autres. Ainsi sommes-nous fermement invités à nous inspirer de Balzac, Victor Hugo, Flaubert, Voltaire, Georges Perec, mais aussi Brassens, Jean Ferrat, etc. Cela afin d’améliorer nos raisonnements, enrichir notre vocabulaire, dire peu pour suggérer beaucoup, donner de la vivacité à nos propos, faire rire et sourire (ce dernier objectif étant aléatoire).
À la toute fin de ces « exercices », le professeur teste notre mémoire : définir avec simplicité le zeugme et l’adynaton, le kakemphaton et l’asyndète, l’auxèse, l’antanaclase, l’épanadiplose et l’homéotéleute. Hélas, tout le monde ne peut pas se mesurer à Raymond Queneau ! Monika Romani

LES GRANDES RENCONTRES. CENTON de Véronique Berger-Grenier
Éditions Maïa, 2021, 176 pages, 18 €
C’est une oeuvre originale. Un regret, l’auteur succombe aux féminisations ridicules : écrivaine, auteure... Un centon ? C’est ainsi qu’on appelait autrefois un ouvrage de poésie fait de vers empruntés à divers auteurs. Celui-ci n’est composé que de citations, de passages de livres que Véronique Berger-Grenier a lus avec gourmandise. Dans le sol tassé de textes souvent admirables qu’elle a dépouillés, elle a relevé des centaines de pépites qu’elle a réunies en onze chapitres. Ceuxci ne portent pas de titre. Il est cependant facile de chapeauter le Ve d’un « De la tristesse et des larmes », le VIIe « De l’amour », un autre « Du bonheur », etc. Bref, toutes les situations de la vie sont représentées. Et si les 110 premières pages sont consacrées aux citations avec chacune le nom de son auteur, les autres classent l’infinie variété des écrivains fournisseurs dans l’ordre alphabétique avec leurs dates et des renseignements bibliographiques. Travail de compilation ? Peut-être, mais il rassemble une foule de petites joies pour l’esprit, une immense réserve pour des lycéens en quête d’ornements pour leurs devoirs de français. Certains pourraient peut-être même y rencontrer le plaisir de lire. Jacques Dhaussy

LES MOTS IMMIGRÉS d’Erik Orsenna, de l’Académie française, et de Bernard Cerquiglini
Stock, 2022, 120 pages, 17,50 €, liseuse 12,99 €
Les mots sont des êtres sensibles, il leur arrive de se rebeller si on les humilie ; c’est ainsi que deux linguistes chevronnés, Erik Orsenna et Bernard Cerquiglini, ont imaginé une fable à la fois ludique et instructive, le mouvement de grève générale de tous les vocables « immigrés », ceux qui ne font pas partie de la troupe de « nos ancêtres les Gaulois », au demeurant peu nombreux... Ce débrayage langagier ne se produit pas par hasard, mais le jour même du grand débat des finalistes à l’élection présidentielle, la candidate d’extrême droite ayant manifestement abusé à leur endroit de violence verbale. Par suite, non seulement les candidats à la plus haute fonction, mais aussi la totalité de la population, se trouvent contraints, à leur corps défendant, à un mutisme forcé. Cette ingénieuse mise en scène introduit la question fondamentale de la définition des langues : « Ce sont de grosses bêtes très souples [...] aussi généreuses que dévoreuses. Elles n’arrêtent pas de prêter et d’emprunter », rappellent les auteurs. À l’appui de leur thèse animalière, ceux-ci nous content la véritable odyssée de la naissance, maturation et transformation de notre lexique : un latin vigoureux, doublé d’un latin savant enseigné aux petits Gaulois de bonne famille, lesquels avaient dû admettre que leur idiome n’était pas un pur produit, car déjà mâtiné de celtique ! Passent la tribu des Francs, alliée des Wisigoths et des Burgondes, puis les Arabes, les Italiens, les Anglais, etc. En 1635, l’Académie française impose de l’ordre, mais ces grosses bêtes parlantes tellement vivantes sont d’un naturel indiscipliné... C’est pourquoi il convient parfois de les admonester : le globish va au coin avec un bonnet d’âne, coupable d’assassinat et de blanchiment ; tandis que les parlers régionaux, inventifs et poétiques, enchantent le vocabulaire, de même que la francophonie, « grosse bête » nourrie hors de l’Hexagone. Monika Romani

LE KJOKK. DICTIONNAIRE DES BIZARRERIES DE LA LANGUE FRANÇAISE de Mickaël Schauli
AFNIL, 2021, 210 pages, 20 €
Ce dictionnaire contient près de 2 000 termes inusités, étranges ou intrigants. Son titre fait référence au kjökkenmöding, mot français d’origine danoise que le Larousse définit comme un « amas de débris culinaires et ménagers (essentiellement formés de coquillages) des populations mésolithiques et néolithiques... ».
Jeune Strasbourgeois (18 ans), Mickaël Schauli est étudiant en sciences de l’éducation. Voici plus d’un an, lors du confinement, il découvre l’existence de mots méconnus de la langue française. Il consacre son passe Culture à s’acheter des dictionnaires de tous âges, commence un répertoire et rédige les définitions. La liste s’allonge. Il lance une plate-forme en ligne où des gens peuvent proposer des mots et met en place une campagne participative en vue d’éditer un dictionnaire à partir de ses trouvailles. Les Dernières Nouvelles d’Alsace et France 3 donnent un écho favorable à son livre. Du coup, le 22 janvier 2021, l’étudiant est convié à participer aux projets linguistiques de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Pierre Gusdorf

HISTOIRE DES NOMS DE FAMILLE FRANÇAIS. DE LEUR FORMATION À LEUR DISPARITION de Xavier Deniau
L’Harmattan, « Nomino ergo sum », 2021, 255 pages, 27 €
Le langage en relation avec la reconnaissance de soi dans le miroir est à l’origine de la mise en place de l’identité chez l’être humain. Dans cet ouvrage est présentée une analyse très élaborée de la construction des noms de personnes. La référence, en diachronie, aux cultures qui ont servi de soubassement à la culture française, dont les cultures gauloise, gallo-romaine et germanique, y est également décrite. Cette étude est divisée en cinq parties. Le premier chapitre prend sa source de l’origine de la nomination chez le sujet social, ainsi que de différents paramètres liés à sa construction : désignation d’un lieu géographique, référence à un métier, à un évènement ou autre. Dans la deuxième partie, est montrée la construction du patrimoine onomastique français. Les noms de terroirs, référant indirectement à la toponymie, s’inscrivent dans la troisième partie. La quatrième partie présente la redistribution francophone du patrimoine des noms propres, que ce soit en Europe ou dans les territoires d’outre-mer. Dans la cinquième partie, l’auteur s’interroge sur l’évolution, voire la disparition, des noms de famille français. Ouvrage très riche et très intéressant ! Marcienne Martin


        Site internet à connaître et à faire connaître
PAR MOTS ET PAR VAUX (http://www.parmotsetparvaux.fr/timbres/index.html) Bruno Dewaele est un ardent défenseur de la langue française. Son site est riche d’une quantité de rubriques, articles, dictées, jeux, textes à corriger... Il compte aujourd’hui 15 000 entrées et 50 000 liens. C’est une mine d’informations pour tous ceux qui se passionnent pour le français. On y retrouve les chroniques que publie Bruno Dewaele dans La Voix du Nord et Lire Magazine littéraire. Le champion des Dicos d’or y présente également des billets d’humour et d’humeur au fil desquels il prône régulièrement la rigueur de la langue et pourfend l’à-peu-près relevé trop souvent dans les médias. Il propose des critiques, des repères de grammaire et d’orthographe et met à l’honneur des dictionnaires, guides pratiques, romans et ouvrages divers, dont le point commun est l’amour du français. Par mots et par vaux est un outil de référence pour les amateurs de jeux de lettres, de jeux de mots et de jeux de l’esprit. Pierre Gusdorf

        Signalons aussi :
  • LA POLITESSE. AU FIL DES MOTS ET DE L'HISTOIRE, de Jean Pruvost (Tallandier, 2022, 320 p., 20,90 €, liseuse 14,99 €).
  • 100 FAUTES DE FRANÇAIS QUI NOUS AGACENT, de Jean Pruvost (Le Figaro littéraire, 2022, 160 p., 9,90 €).
  • ÉCRIRE SANS FAUTE(S). DICTIONNAIRE MODERNE ET PRATIQUE DES DIFFICULTÉS DU FRANÇAIS,
    de Jean-Pierre Colignon
  • BÉVUES, BOURDES, CONTRESENS ET CIE, INVENTAIRE IMPITOYABLE, MAIS HUMORISTIQUE, DES FAUTES RÉCURRENTES COMMISES À L’ÉCRIT ET À L’ORAL., de Jean-Pierre Colignon (CFPJ, 2022, 160 p., 22,50 € à paraître en juin/juillet).
  • * * *
  • LES POURQUOI DU FRANÇAIS. 100 QUESTIONS (LÉGITIMES) QUE VOUS VOUS POSEZ SUR LA LANGUE FRANÇAISE, de Julien Soulié
    (First Éditions, 2022, 254 p., 16,95 €, liseuse 11,99 €).
  • CORRECTRICE INCORRIGIBLE. DES BONBONS SUR LA LANGUE ET AUTRES CURIOSITÉS DU FRANÇAIS, de Muriel Gilbert
    (Buchet-Chastel, 2022, 240 p., 18,90 €, édition numérique 14,99 €).
  • ALLÉLUIA ! JE PARLE HÉBREU SANS LE SAVOIR, 150 MOTS FRANÇAIS ISSUS DE L’HÉBREU, d’Henri Béhar (Éditions Non Lieu, 2021, 316 p., 18 €).
  • LES ANAGRAMMES, de Pierre-Yves Testenoire (Que sais-je ?, 2021, 128 p., 9 €).
  • 30 JOURS POUR JACTER COMME MÉZIGUE ! (RE)DÉCOUVRIR LES RICHESSES DE L’ARGOT EN S’AMUSANT !, de Sylvain Vanderesse
    (Les Éditions de l’Opportun, 2022, 320 p., 14,90 €).
  • LES SAVEURS DU PARLER POPULAIRE. FLORILÈGE DE MOTS CROUSTILLANTS ET FESTIFS, de Daniel Lacotte, 2022,
    426 p., 17,90 €. Aux éditions Christine Bonneton, « Au fil des mots »
  • MAIS QUE FAIT CETTE GRENOUILLE TÊTUE COMME UNE MULE DANS LE BÉNITIER ? LES ANIMAUX DANS LES EXPRESSIONS FRANÇAISES, d’Yves Stalloni, 2021, 200 p., 16,90 €).
Nos adhérents publient
  • France 1918-1940-1945. Décadence d’un régime, effondrement et résistances (Éditions Jourdan, 2022, 650 p., 23,90 €), le 8e livre de Claude Faisandier, fourmille de détails sur un grand nombre de personnalités. 1940-1945 et les années qui y ont conduit sont des thèmes sur lesquels chacun réagit selon ses idées, ses connaissances, son passé...
  • Aux éditions Glyphe qu’il dirige, Éric Martini vient de publier Un diamant dans une boîte à chaussures, de Sophie Selliez (250 p., 15 €), superbe comédie sur les relations mère-fille et la quête de soi, et Mes amis, premier roman d’Emmanuel Bove, dans la collection « Classiques oubliés » (208 p., 10 €).
  • Nous retrouvons plusieurs de nos amis dans la revue Livr’arbitres (mars) : Bernard Leconte y présente un ouvrage, Catherine Distinguin contribue au dossier sur les « Écrivains de Nouvelle Aquitaine » et s’entretient avec Alfred Eibel, et les grands spécialistes de cinéma que sont Michel Mourlet et Philippe d’Hugues sont interrogés, le premier pour son livre Dans le fauteuil du quatrième rang (voir DLF n° 283, p. IX), le second pour Ma vie et le cinéma. Mémoires intempestifs, T I – 1931-1981, préfacé par Frédéric Vitoux, de l’Académie française, et T II – 1981- 2021 (Via Romana, 2021, respectivement 478 p. et 472 p., 24 € chacun).
  • Le Vendroy, roman de Louise de Tréfalc, nous entraîne dans la vie passionnante d’un professeur d’histoire, membre de DLF, adversaire du mensonge historique comme des anglicismes et, surtout, de l’incohérence (Éditions du Lys bleu, 2022, 900 p., 27 €).
  • Le nouveau roman de Lise Gauvin, Et toi, comment vas-tu ? – portrait de plusieurs générations de femmes – est paru au Canada en septembre 2021 aux éditions Léméac et vient de paraître en France aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque (160 p., 14 €).
  • « La domination américaine a ses limites », tel est le titre du long article de Jean- Charles Forestier publié par Ouest-France (17 janvier). Il y dénonce notamment l’utilisation du terme pouces au lieu de centimètres pour la taille des écrans.
  • L’Alliance Champlain vient de publier le nouvel ouvrage de Daniel Miroux, Regards multiples sur la vie quotidienne des Atsaaï, les Kanaks originaires d’Ouvéa, vivant en milieu urbain en Nouvelle-Calédonie (en vente auprès de l’association et à la librairie Calédolivres).
  • À l’occasion de la Semaine de la langue française, Alain Ripaux, président de Francophonie Force Oblige, a lancé un « Appel à tous les francophones » sur son site, sur YouTube et sur Frontenac- Amériques.
  • Marie Treps a participé à l’ouvrage collectif international Colonisations. Notre histoire, mis en chantier par les éditions du Seuil, avec Patrick Boucheron et Séverine Nikel. Son article s’intitule « Bougnoul ou l’avilissement d’un terme ethnique ».
  • Me Jean-Claude Amboise a rédigé le chapitre sur le régime juridique de l’utilisation de la langue française dans l’enseignement supérieur pour La Gouvernance linguistique des universités et établissements d’enseignement supérieur (p. 145 à 162). Cet ouvrage, publié par Les Éditions de l’École polytechnique, est coordonné par Jean-Claude Beacco, Olivier Bertrand, José Carlos Herreras et (notre ami) Christian Tremblay.
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