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DLF, n° 288
BÉVUES, BOURDES, CONTRESENS ET CIE. INVENTAIRE IMPITOYABLE, MAIS HUMORISTIQUE, DES FAUTES
RÉCURRENTES COMMISES À L'ÉCRIT ET À L'ORAL de Jean-Pierre Colignon CFPJ, 2022, 158 pages, 22,50 €
L’inventaire est peut-être impitoyable, mais le réquisitoire est heureusement assorti
d’un sourire. Les confusions quand on écrit sont parfois très innocentes. On
commence avec un mot. Il se transforme sous vos doigts en un phénomène
graphique qui n’a rien à voir avec ce que vous vouliez montrer... Des bévues, des
bêtises, qui n’en fait pas? Que d’erreurs vous frappent à l’écoute de la radio ou de
la télévision ! Il y en a beaucoup d’innocentes, mais d’autres qui relèvent du
perseverare diabolicum.
Que de confusions répréhensibles entre
près de et
prêt à et de mélanges entre
conjoncture et
conjecture!
Qui ne se trompe pas? Jean-Pierre Colignon ne manque pas d’indulgence, même s’il recherche la
perfection. Comment confondre
égailler et
égayer ? Parfois, l’usage d’un mot est particulièrement
ridicule, comme dans cette petite phrase : «
Mes parents jouissent d’une très mauvaise santé. » «
Ne
vous déplacez pas pour les élections présidentielles... Il ne s’agit que d’une tête à élire. » L’élection se
contentera du singulier... Que d’occasions de se perdre dans une foule de petites erreurs, toujours
regrettables. Jean-Pierre Colignon fait tout son possible pour vous éviter les petites comme les
grosses. Suivez-le ! Ce guide est sûr et ne manque pas d’esprit.
Jacques Dhaussy
L'IMPÉRATIF PLURILINGUE. 18 ANS AVEC L'OBSERVATOIRE EUROPÉEN DU PLURLINGUISME de Christian Tremblay, préface de Jean Pruvost Observatoire européen du plurilinguisme, « plurilinguisme », 2022, 514 pages, 18 €
Président fondateur de l’OEP, Christian Tremblay nous offre une présentation
originale de l’organisme qu’il a créé, à la suite des 1res Assises européennes tenues
à Paris en novembre 2006 et dont il veut retracer la bénéfique réalisation depuis la
production de la Charte européenne du plurilinguisme. Programme gigantesque,
car, ainsi que le note dans sa préface Jean Pruvost, «
cet ouvrage est à quadruple vocation : historique,
philosophique, linguistique et prospective ». Une excellente idée : publier, après un rappel historique,
une suite de 70 éditoriaux de l’OEP parus depuis sa formation, classés sous des têtes de chapitre
permettant de donner à l’ensemble une unité thématique. En voici quelques-uns : « Le plurilinguisme,
un incontournable de l’économie, de l’entreprise et du travail » ; « Les langues ont droit à toute
notre attention » ; « La langue et les langues, passage obligé de l’éducation » ; « La philosophie
politique et l’éveil de la conscience linguistique » ; « Les langues dans les entreprises » ; « Pour une
théorie générale de la domination » ; « Qui sommes-nous? » Ces titres, peut-être un peu abstraits,
s’éclaircissent grâce à des sous-titres qui répondent par exemple à des questions que se posent des
enseignants ou des parents qui se demandent s’il est nécessaire de commencer l’enseignement de
l’anglais dès la maternelle ou comment on enseigne les langues en Europe. Fruit d’années de travail,
menées avec des collaborateurs tout aussi passionnés et compétents, cet ouvrage aurait pu se
concentrer uniquement sur des thèmes contemporains, tels que l’envahissement des pays d’Europe
ou d’autres continents par l’anglo-américain ou l’indiscrète percée du cinéma avec ses affiches et
ses VO..., il n’en est rien. Il consacre une place considérable à « la Francophonie qui a un bel avenir
devant elle ». L’Observatoire européen du plurilinguisme est un organe vital qui mérite pour notre
langue toute notre attention. C’est un veilleur efficace !
Jacques Dhaussy
GUIDE DES 100 MOTS À CONNAÎTRE POUR REHAUSSER UN DISCOURS de Jean Pruvost (Le Figaro littéraire, 2023, 146 p., 9,90 €).
Cet ouvrage pratique n’est pas un encouragement à utiliser des mots rares pour paraître
savant ou cultivé. Au contraire. Il s’agit seulement de respecter la langue française et
d’utiliser, dans un texte ou la conversation, le mot juste qui peut être comparé à un bijou discret
et précieux. En effet, le mot juste remplace agréablement les
trucs, machins, bidules et apporte une
appréciable précision. Les cent mots rassemblés par Jean Pruvost constituent un riche arsemal qu’il
nous aide à utiliser à bon escient. Il les définit, les intègre dans une phrase, les met en situation
dans un récit ou une anecdote, il en précise l’exactitude. C’est ainsi qu’Harpagon, modèle de
l’avare, en devient «
l’archétype, incarnant parfaitement ce défaut », qu’au chapitre de l’anxiété se
précipitent un certain nombre de synonymes comme
atrabilaire, mélancolique... Un mot rare comme
brimborion réveille soudain
babioles, bricoles ou
fanfreluches. Est-il impossible d’améliorer une situation
compliquée? C’est
tomber de Charybde en Scylla, mais c’est aussi l’occasion de retrouver les origines
mythologiques de cette expression. Ces quelques exemples peuvent inquiéter par le désordre dans
lequel ils se présentent, mais notre auteur a classé tout cela par thèmes dans des index où la recherche
de la précision le dispute à l’élégance ou à l’émotion. Parmi ces
100 mots à connaître, que de « petits
bonheurs » à ressusciter !
Jacques Dhaussy
MALAISE DANS LA LANGUE FRANÇAISE. PROMOUVOIR LE FRANÇAIS AU TEMPS DE SA DÉCONSTRUCTION sous la direction de Sami Biasoni Cerf, 2022, 258 pages, 20 €
Qu’est-ce qu’un malaise linguistique ? Et pourquoi précisément français ? L’essai dirigé
par Sami Biasoni, composé d’articles signés d’éminents enseignants, écrivains,
philosophes, comporte en sous-titre un terme éclairant : « déconstruction ». Attention! Il ne s’agit
pas du concept d’analyse critique fondé par le philosophe Jacques Derrida (1930-2004), mais d’un
champ de bataille beaucoup plus récent organisé par un mouvement féministe remettant
radicalement en cause «
les stéréotypes de genre », le but poursuivi étant d’assurer une parfaite égalité
du vocabulaire en le démasculinisant au maximum ! Concrètement, cette invention (applicable
uniquement à la langue écrite dite « inclusive ») impose le point médian, la double flexion, le choix
privilégié des termes épicènes (identiques au masculin et au féminin) et la féminisation des titres.
Les linguistes nous disent que la langue évolue naturellement. Ici, tout à l’inverse, il s’agit d’une
organisation systématique poussée à l’absurde, avec des néologismes tels que
pompière, clowne,
femmage, matrimoine, etc. Si le ridicule ne tue pas, il blesse ! D’où le malaise éprouvé par ceux qui
estiment incompréhensibles et imprononçables des textes déformés par une clique d’ «
intellectuelles
autoproclamées ». Comment une langue stabilisée au cours des siècles par des grammairiens, enseignée
par l’école de la République et magnifiée par la littérature, peut-elle souffrir de telles distorsions ?
Est-il permis de désobéir à l’Académie française, laquelle a, par deux fois, fermement condamné
l’écriture inclusive comme «
aberration confinant à l’illisibilité »?
Monika Romani
IL FAUT VOIR COMME ON SE PARLE. MANIFESTE POUR LES ARTS DE LA PAROLE de Gérald Garutti Actes Sud, 2023, 160 pages, 12,50 €.
Au commencement était le Verbe, aujourd’hui le verbiage, vide des formules,
dégénérescence du sens, absence d’écoute, dégradation de l’attention. L’auteur, homme
de paroles s’il en est (enseignant et metteur en scène, dramaturge et écrivain), déplore
l’état de déréliction de ce qui est pourtant l’essence de l’humanité. Prenons néanmoins
en considération quelques circonstances atténuantes : invasion des portables, prolifération des
écrans, cacophonie médiatique, réseaux sociaux déversant des propos irresponsables, d’où le développement de la glossophobie, littéralement « peur de la langue vivante », avec des émotions
réduites à des émoticônes, etc. Gérald Garutti invoque Freud pour le retour d’une parole sublimée
rendue possible par la création du Centre des Arts de la Parole (CAP ), lieu de renaissance d’un
espace de débats et de dialogues.
Monika Romani
QUAND LA LANGUE S’ENFLAMME. UNE HISTOIRE DES MOTS QUI NOUS DIVISENT de Pierre Troullier Novice, 2023, 144 pages, 9,90 €, version numérique 6,99 €
Mais quel est cet incendie linguistique menaçant ? D’emblée, Pierre Troullier nous
rassure : la langue n’est pas en péril, car les mots sont résistants, produits d’une longue
histoire culturelle, morale, sociale et politique. Il confirme : «
Ce que les mots d’aujourd’hui
ont à nous dire dépasse largement notre époque et nos débats. » D’où le travail d’historien mené
par l’auteur qui nous prouve, entre autres, que
blasphème et
fanatisme obscurcissent déjà le siècle
des Lumières ;
colonisation,
guerre et/ou
paix,
laïcité, autant de thèmes brûlants dont il faut
absolument déchiffrer l’origine pour les comprendre. Et
féminisme! Nous sommes encore loin
d’en avoir saisi le concept, parlons plutôt
des féminismes, d’autant que la situation se complique
avec le troublant passage au genre
neutre... Captivant!
Monika Romani
RAPPORT AU PARLEMENT SUR LA LANGUE FRANÇAISE 2023 par la Délégation générale
à la langue française et aux langues de France Ministère de la Culture, 100 pages, téléchargeable sur internet
Élaboré par la DGLFLF, ce document permet de sensibiliser le public au bien
commun qu’est la langue et de mettre en lumière les politiques publiques menées
en faveur de la langue française. Cette nouvelle édition présente un panorama des
situations, des projets et des acteurs au service de la langue française. Elle dresse
un portrait vivant de la situation de la langue française en France et dans le monde. Analyses,
statistiques, chiffres clés, entretiens et témoignages d’experts apportent des éclairages sur les grands
enjeux de notre époque : la langue au service du citoyen, la maîtrise de la langue comme facteur
de la cohésion sociale, l’innovation et les techniques du langage pour notre souveraineté numérique,
la richesse de nos langues régionales, ou encore la promotion du français et de la Francophonie,
en dialogue avec les autres langues, en Europe et dans le monde. Une large place est accordée à
la loi Toubon, qui fêtera l’an prochain son 30e anniversaire. Bernard Cerquiglini, Hélène Carrère
d’Encausse, Leïla Slimani, Pap Ndiaye, Barbara Cassin, Frédéric Vitoux, Jean Pruvost, Nicolas Bordas
et bien d’autres écrivains, linguistes et personnalités politiques ou chefs d’entreprise apportent
leur témoignage dans ce document particulièrement coloré et volontariste.
Pierre Gusdorf
Signalons aussi :
- POURQUOI NOS ÉTUDIANTS NE SAVENT-ILS PLUS ÉCRIRE ? LES RAVAGES DE LA PHOTOCOPIEUSE d’Aude Denizot
(Enrick B. Eds, « Le Porte-Voix », 2022, 124 p., 14,90 €, version numérique 9,99 €).
- OBJECTIF ZÉRO FAUTE ! LES ASTUCES D’UN PRO POUR (SE) CORRIGER AU QUOTIDIEN de Jean-Pierre Colignon (Les
Éditions de l’Opportun, 2023, 312 p., 14,90 €).
* * *
- ÊTES-VOUS SÛR D’AVOIR UNE BONNE PLUME ? de Line Sommant (Librairie Larousse, 2023, 64 p., 5,95 €).
- DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES ÎLES FRANÇAISES de Claude Gantet, préface de Pierre Gastal (DésIris,
2023, 160 p., 19,50 €).
- GROSSE LÉGUME, REINE DES POMMES & HERBES FOLLES. LES SECRETS DE 1 001 EXPRESSIONS FLEURIES ET FRUITÉES
de Françoise Guerard (Les Éditions de l’Opportun, 2023, 336 p., 18,90 €).
Nos adhérents publient
- Dans une nouvelle édition,
François Verschaeve a enrichi
son répertoire de titres de
musique classique What’s
What in Titles of Classical
Music... and beyond. Parmi les
30 000 oeuvres répertoriées,
cet ouvrage de référence
comporte de nombreux titres
en français. (Di-Arezzo,
520 p., 49 €).
- Dans Nos corps, nos neurones,
nos moi, nos vies (Les 3 colonnes,
2022, 202 p., 17 €), Mireille
Cazal démontre l’importance
des neurosciences dans notre
vie. Dans l’addendum, elle
s’élève contre la féminisation
des noms. Citant le cafetier et
la cafetière ou le mandarin et
la mandarine, elle explique :
« Les mots sont masculins ou
féminins, ou les deux (dentiste),
leur genre n’est pas à modifier;
n’attribuons pas au genre des
mots une valeur de domination
sexiste. »
- Sous le titre « Un moment
avec MM. Barrès, Renan et
Beauclair », Michel Mourlet
signe l’ « Avant-propos » d’une
réédition d’un petit livre de
Maurice Barrès : Huit jours
chez M. Renan (France
Univers, 104 p., 10 €).
- Alain Ripaux nous signale que
le numéro 8 de sa Revue
francophone d’information est
consacré à René Lévesque,
« ancien Premier ministre souverainiste
du Québec ».
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