• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •
L’étymologie pour
Pierre Avenas
--------------------------------------
En 2019, proclamée par l’UNESCO
année internationale du tableau
périodique des éléments chimiques,
Pierre Avenas, invité d’honneur de
DLF (voir page II), a publié La
Prodigieuse Histoire du nom des éléments
(chez EDP Sciences, en relation avec la
Société chimique de France, 260 p.,
19 €).
Mon intérêt pour l’étymologie, loin de ma formation d’ingénieur,
vient d’abord de l’influence de mon épouse Brigitte, professeur de lettres
et auteur, mais aussi de la curiosité pour les mots que j’ai toujours
cultivée. Mes activités professionnelles dans les matériaux et la chimie,
à des postes de recherche ou proches de la recherche, m’ont mis en
contact avec des domaines très diversifiés, où se rencontre tout un
vocabulaire souvent compliqué… dont l’origine est souvent méconnue.
Prenons un exemple, le nickel... de la partie blanche des pièces de
1 et 2 euros, de l’acier inox, qui contient 10 % de nickel, et quand tout
est bien, c’est nickel ! mais d’où vient le mot
nickel ? Contre toute
attente… du prénom
Nicolas ! Comment diable est-ce possible ?
Au XVIII
e siècle, dans les mines allemandes, les mineurs cherchaient
du cuivre, en vain. De plus, ils s’intoxiquaient en grillant les minerais...
et les mines s’effondraient parfois. Dans la mythologie germanique, tous
ces malheurs étaient dus à des petits lutins diaboliques, appelés les
kobolds. Et, pour les amadouer, les mineurs leur donnaient des petits
noms affectueux, comme « petit Nicolas », en allemand
Nickel... Ils
traitaient les minerais de « diables », de « kobolds », de « nickels »...
Enfin, lorsque des chimistes ont su identifier les deux métaux nouveaux
obtenus alors, ils les ont nommés « cobalt » et « nickel ».
On voit ici l’intérêt de raconter toute l’histoire qui tourne autour
d’une étymologie. C’est l’idée de la rubrique dite « Clin d’oeil
étymologique », que je publie depuis une dizaine d’années dans
L’Actualité chimique, mensuel de la Société chimique de France. Les
premiers de ces articles ont inspiré
La Prodigieuse Histoire du nom des
éléments (EDP Sciences/SCF, 2018).
En 2016, Hubert Jacquet, alors rédacteur en chef de
La Jaune et la
Rouge, le mensuel de l’École polytechnique, m’a proposé d’écrire aussi
une rubrique étymologique pour cette revue. Chaque numéro
comportant un dossier sur un thème, l’idée est d’y adjoindre un article
sur l’étymologie des mots de ce thème, article baptisé « ÉtymologiX ».
Un exemple récent, sur le thème de l’industrie du savoir : d’où vient
le mot
savoir ? C’est encore une fois très inattendu. Le verbe latin
sapere
signifie d’abord pour une substance « exhaler du goût, de la saveur »,
puis pour une personne « avoir du goût, donc du jugement, donc
savoir », et de là vient aussi en bas latin
sabius, « sage ». En effet,
étymologiquement, le sage est celui qui sait car il a savouré.
Une autre source d’inspiration : depuis toujours, je me suis beaucoup
intéressé aux sciences naturelles. C’est ainsi que j’ai eu l’idée, au début
des années 1990, de combiner sciences naturelles et étymologie, et
d’abord dans un livre sur les noms des mammifères, un thème riche en
ethnozoologie (
cf. le chien sous
canicule, la vache sous
vaccin, etc.). Ayant
réalisé une ébauche de « Bestiaire étymologique », j’ai pris contact en
1997 avec Henriette Walter, que je ne connaissais alors que par ses livres,
dont sa passionnante
Aventure des langues en Occident (Robert Laffont,
1994). Une grande amitié s’est nouée alors entre Henriette et Gérard,
son regretté mari, et mon épouse et moi. C’est ainsi que nous avons,
Henriette Walter et moi, coécrit plusieurs livres, édités chez Robert
Laffont, à mi-chemin entre linguistique et sciences naturelles. Ces livres
racontent de nombreuses histoires, notamment autour de « vedettes »
telles que :
– chez les mammifères, le renard, le plus présent dans les fables
d’Ésope, avant d’être le super-héros du
Roman de Renart, au point que
le goupil est devenu un renard !
– chez les oiseaux, la grue, qui a donné son nom à la grue, l’engin de levage, mais aussi au géranium par le grec, au pedigree par l’anglais…
et au gruyère par la Suisse !
– chez les poissons, le poisson-torpille, du latin
torpedo, « torpeur »,
car il plonge sa proie dans la torpeur, avant d’inspirer la mine sousmarine,
torpedo en anglais, devenue une sorte de missile sous-marin,
d’où la Torpédo, la voiture des années 1930 !
– chez les arbres, le hêtre (nom d’origine francique), en latin
fagus,
d’où le nom de son fruit, la faine, celui de la fouine, ou martre des hêtres,
et ses anciens noms, fau, fayard, fou, d’où un fouet, une baguette de
hêtre, d’où aussi les patronymes Fage, Fayard, La Fayette... ou les
toponymes comme le Puy du Fou, c’est-à-dire la colline du hêtre !
Ces quatre livres d’étymologie inspirent NOMEN, « le
podcast qui
raconte l’origine des noms du Vivant ». Ce sont des livres thématiques,
étymologiques et multilingues, portant sur les noms communs et les
noms propres, dont l’approche transverse est a priori originale par
rapport à Wikipédia... ou ChatGPT.
|
Pierre Avenas, né le 14 janvier 1946 à Paris, ingénieur
des Mines, chercheur et écrivain.
Études : École polytechnique, puis École des mines de
Paris.
Éléments de carrière : directeur du Centre de mise en
forme des matériaux des Mines de Paris, à Sophia
Antipolis (1976-1978) ; chargé de la politique de
recherche et d’innovation au ministère de l’Industrie
(1979-1981); directeur R & D chimie d’Elf (1993-2000)
puis Total (2000-2004) ; président de l’École de chimie
de Lille (1993-1999).
Il publie des chroniques d’étymologie dans les revues
mensuelles : L’Actualité chimique et La Jaune et la Rouge,
respectivement depuis 2012 et 2016.
Parmi ses oeuvres : coécrites avec Henriette Walter :
L’Étonnante Histoire des noms des mammifères, De la
musaraigne étrusque à la baleine bleue (2003, 2018) ; La
Mystérieuse Histoire du nom des oiseaux : Du minuscule roitelet
à l’albatros géant (2007); La Fabuleuse Histoire du nom des
poissons : Du tout petit poisson-clown au très grand requin
blanc (2011), prix Ar Mor 2012 de la Ville de Vannes; La
Majestueuse Histoire du nom des arbres : Du modeste noisetier
au séquoia géant (2017), prix Émile-Gallé 2018 de la
Société centrale d’horticulture de Nancy. Avec la
collaboration de Minh-Thu Dinh-Audouin : La Prodigieuse
Histoire du nom des éléments (2018), Prix spécial 2019 de
l’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts
de Bordeaux.
|