Défense de la langue française   
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Le français pour Patrice Dallaire
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À l’occasion de la publication de son ouvrage La tranquille soumission de la France à l’anglais, notre invité d’honneur a pris la peine de rédiger la conférence qu’il a prononcée lors de notre déjeuner d’automne (voir p. II), ce dont nous le remercions de tout coeur. Nous la publierons intégralement sur le site de DLF. En voici des extraits
. C’est un honneur de m’adresser à vous aujourd’hui, étant, si je ne me trompe, le premier Québécois à être invité par DLF depuis 1995, époque du dernier référendum québécois sur l’indépendance. En 1995, nous jouions notre avenir politique.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous jouons notre avenir comme peuple. Et nous avons besoin de la France. D’une France forte. D’une France qui assume son rôle en s’affirmant comme le haut lieu de notre culture. D’une France qui affirme et assure la prépondérance de la langue nationale, partout sur son territoire. [...]

Vous connaissez l’état de délabrement linguistique dans lequel la langue française se retrouve, aujourd’hui, en France. Et vous êtes conscients que cette situation est en grande partie le résultat de notre propre insouciance, je dirais même de notre désinvolture. Vous savez à quel point l’usage de notre langue recule sous les coups de boutoir de la culture anglo-américaine ; y compris sur le marché du travail. Vous constatez tous les jours à quel point la langue de la mondialisation, ce bulldozer, remplit son rôle d’intermédiaire sur le chemin qui amène au nivellement des autres cultures. Bref, je n’ai pas à vous convaincre de l’urgence de la situation. [...]

Mais justement, l’État en France, que fait-il ?
Quand on pense que depuis cinq ans l’Élysée parraine un sommet économique et d’affaires qu’on intitule sans gêne « Choose France : an Initiative of the President of the French Republic », que le chef de l’État, le gardien de la Constitution, et son entourage ne se rendent même pas compte du ridicule dont ils se drapent. On est, à mon avis, dans l’avilissement au profit de l’argent.
Confortablement installés dans la fausse sécurité de leurs certitudes, aveuglés par un portrait qu’ils se font de la France d’un autre siècle, certains disent qu’ici en France il n’y a pas de danger. Pas de danger ? Le français est menacé, partout, y compris ici ! [...]

Braudel abordait la question de la langue pour dire que la pérennité de la civilisation française dépendait du rayonnement de sa langue et de sa culture, lequel passait, notamment, par le « ... triomphe de la langue française, des habitudes françaises, des modes françaises », à l’intérieur de ses frontières et obligatoirement ailleurs en Europe et dans le monde.
Or, vous le savez, ce n’est pas ce qui se passe, tant s’en faut. Sinon, le travail d’une association comme la vôtre ne serait pas si nécessaire [...}.

Permettez-moi de revenir sur un point : l’exemplarité de l’État. Cette exemplarité est fondamentale, parce qu’elle dicte la référence commune. Si l’État laisse faire, s’il s’en remet aux lois du marché, si en n’insistant pas sur la présence et l’utilisation du français, partout, il envoie un signal à l’effet que le français est optionnel, que les produits culturels sont des marchandises comme les autres, alors il ne joue pas son rôle envers la nation. Cela est vrai au Québec comme en France.
Je dirais que la langue française est le mortier qui tient l’édifice national en place et si l’État laisse celui-ci s’effriter, s’il ne fait pas, périodiquement, une opération de renforcement des structures, et non pas un simple ravalement, alors, tôt ou tard, il faudra en payer le prix. Car l’inaction gouvernementale, pour poursuivre la métaphore, a pour effet non seulement de laisser la façade de l’édifice se couvrir de résidus de toutes sortes, mais, à la longue, l’édifice même risque de s’écrouler faute d’entretien.
Bref, la question que nous devons nous poser, collectivement, est : « Allons-nous, sans réagir, laisser le génie de plusieurs siècles être enseveli sous les décombres d'une mondialisation débridée ? » Je suis de ceux qui croient qu’il faut réagir avec vigueur. Et la contreattaque doit partir de l’État, de son exemplarité. [...]

L’État doit aussi prendre la pleine mesure du problème. En France, cela veut dire une vaste enquête et un bilan de la situation du français, en entreprise privée, comme publique, dans les institutions d’enseignement supérieur, dans les communications et la publicité, etc. Cet état des lieux permettra ensuite de faire un suivi dans le temps et de voir si les correctifs apportés ont changé les tendances. [...]

Il y a urgence linguistique comme il y a urgence climatique. Dans les deux cas, il faut reconnaître le problème et adopter des mesures énergiques pour remédier à la situation. Dans les deux cas, sans pouvoir renverser, du jour au lendemain, une situation qui s’est développée sur des générations, il faut immédiatement adopter des mesures pour arrêter le déclin et mitiger les dommages causés à notre langue comme à l’environnement...


Patrice Dallaire, diplomate de carrière, a oeuvré aux niveaux canadien et international.

Sa formation a été centrée sur les relations internationales, la diplomatie et les langues étrangères.
Il a exercé dans les secteurs privé et public, et dans des organisations internationales, notamment en tant que conseiller spécial du Premier ministre du Québec et directeur de cabinet adjoint du chef du Bloc québécois au Parlement du Canada.
Il fut également représentant du Québec au Canada atlantique dans les années 1990 et, de 2003 à 2006, diplomate en Chine, à titre de chef de poste du Bureau du Québec.
Il a été de nouveau (2009-2013) en poste à Pékin, comme vice-président et directeur général de CDPQ Chine, filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CPDQ), avant d’être secrétaire adjoint au ministère du Conseil exécutif du Québec.
Il a publié divers essais et chapitres d’ouvrages portant notamment sur le Québec, l’Acadie et la Chine, et, cette année, Réveillez-vous... bordel ! La tranquille soumission de la France à l’anglais (voir p. II). Patrice Dallaire est doctorant en cotutelle internationale à l’université Laval au Québec et à l’Université de Paris.

Distinction : médaille Léger-Comeau (plus haute décoration de la Société nationale de l’Acadie).
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