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La francophonie selon Emmanuel Khérad
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Lauréat du prix Richelieu 2022, destiné à un
journaliste de radio (voir DLF nos 285, p. V, et
286, p. 2), Emmanuel Khérad nous a transmis le
discours de remerciements qu’il avait préparé
pour la cérémonie de remise des prix, le 9 juin
2022, dans le salon Édouard-Bonnefous de
l’Institut de France.
En me remettant ce prix Richelieu, vous donnez un signal fort pour toute la francophonie.
Au-delà de ce prix nominatif, vous valorisez dix-sept ans de travail pour la culture et la
francophonie. La francophonie est un partage. Ce n’est pas une idée, ce n’est pas un concept
politique, c’est une évidence pour la défense de la langue française. Partager des idées, croiser
des cultures, c’est ce que nous avons toujours fait dans « La Librairie francophone ». À l’image
de cette rencontre magnifique entre Hélène Carrère d’Encausse et Dany Laferrière, un jour, dans
un grand studio de Radio France en public.
La francophonie, nous ne le dirons jamais assez, est un rempart face à l’obscurantisme. Je
me souviens de l’écrivain tunisien Ali Bécheur qui m’avait dit un jour : «
Emmanuel, continuez
à porter les valeurs de la francophonie, dites-leur partout où vous irez que c’est notre rempart pour
combattre les fondamentalistes. » J’ai gardé ces mots en mémoire.
Alors évidemment il y a des critiques, des oppositions, des contestations même. La francophonie
ne pourra se développer sur le plan culturel qu’à la seule condition que tous les pays francophones
soient mis sur un plan d’égalité absolue. À la seule condition que les écrivains de langue française,
qu’ils soient créoles, africains, français, canadiens ou de toute autre origine, soient dans le même
rayon en librairie : celui de la littérature francophone. Il ne devrait pas y avoir de différence
entre la littérature dite française et la littérature dite francophone. Les rayons des librairies en
France et en Europe sont encore trop vides d’auteurs francophones du monde, originaires de
ces pays qui défendent la langue française et qui sont relégués dans une catégorie à part. Quelle
joie de voir l’un des auteurs révélés par « La Librairie francophone » au début de sa carrière,
comme Mohamed Mbougar Sarr, obtenir le prix Goncourt ! Alors il faut développer ces idées,
partout où nous le pouvons dans le monde. Il faut donner toutes les couleurs à la francophonie.
Nous avons la chance de pouvoir laisser un monde de couleurs à nos enfants.
Je me souviens de ces couleurs que nous avons transmises à l’antenne. Nous avons toujours pensé aux auditeurs en créant nos programmes. La qualité avant tout, la précision et l’intégrité
avant tout ! Faire la meilleure émission possible à chaque fois. C’est cela la ligne, la seule ligne
qui m’importe.
Je me souviens de Dany Laferrière qui, interrogé après une émission au Salon du livre de
Montréal, avait dit de moi que j’étais maniaque quand je faisais une émission, dans sa
construction, dans son rythme, dans sa présentation. Il avait raison.
Je me souviens d’Amin Maalouf et de Jean-Christophe Rufin qui nous avaient accueillis à
l’Académie française pour deux entretiens. J’avais insisté pour m’asseoir à la place d’Amin
Maalouf, pour avoir le son qui corresponde bien à son siège à l’Académie. Je voulais aussi
entendre Jean-Christophe Rufin sous la Coupole, pile en dessous, pour qu’il décrive au mieux
ce qui nous entourait.
Je me souviens avoir emmené la grande poétesse libanaise Vénus Khoury Ghata dans la maison
de son enfance à Beyrouth. Elle n’y était jamais retournée depuis la guerre. À la place il y avait
un petit immeuble. Son émotion était si grande qu’il fallait la tenir. Elle dira ensuite que c’est
grâce à notre tournage qu’elle avait surmonté ce moment.
Je me souviens de la joie de Jean-Loup Dabadie dans notre studio, se mêlant avec entrain à la
convivialité du moment ; de la découverte d’Erik Orsenna les yeux écarquillés face à la grande
artiste Natacha Atlas qui chantait devant nous au cours d’une émission ; des mots d’Alain
Mabanckou quand il arrive à l’émission et dit à ceux qui sont autour : «
On est chez nous ici, “La
Librairie francophone”, c’est chez nous ! » Oui, cher Alain, c’est vrai, c’est chez vous, cette émission
est la vôtre. Il y a au moins un souvenir pour chaque auteur, je pourrais vous en parler des heures.
En m’attribuant ce prix, vous récompensez aussi un travail d’équipe et les directions de
chaînes qui diffusent et coproduisent « La Librairie francophone ». France Inter et en particulier
Laurence Bloch et la présidente de Radio France Sibyle Veil, la RTS, la RTBF et Radio Canada.
Et puis je veux aussi associer mon plus fidèle collaborateur, Jean-Philippe Veret, qui travaille
sur toutes mes émissions depuis plus de quinze ans. Il y a des rencontres dans la vie
professionnelle qui font toute la différence. Merci pour sa bienveillance, son honnêteté et sa
loyauté, que je garderai en moi à vie.
Merci à vous, association Défense de la langue française pour ce prix ! Merci de nous écouter,
merci de nous soutenir.
Vive le livre, vivent les libraires indépendants et vive la francophonie !
Emmanuel Khérad, né à Nice en 1974, journaliste et producteur, membre du CNL (Centre national du livre).
Études : diplômé de l’École de journalisme de Marseille.
Carrière : crée et produit « Quartiers libres », sur LCM et sur les radios de la région PACA. Il anime quelque
temps « Cultures urbaines » sur France Inter. En 2003, il crée et présente à France Inter « Escale estivale »,
magazine d’actualité culturelle diffusé jusqu’en 2015. Il présente depuis 2005 « La Librairie francophone »,
diffusée sur France Inter, Radio Canada 1re, la RTBF, RTBF International, la Radio suisse romande (RTS la
Première). Depuis 2017, il a lancé « La Librairie francophone estivale », reportages et rencontres dans l’esprit
d’un grand club francophone ouvert aux auteurs et aux artistes. « La Librairie francophone » a donné
naissance en janvier 2019 à une déclinaison à la télévision une fois par mois diffusée sur TV5 Monde, RTBF
La Trois en Belgique, RTS La deux en Suisse et ICI ARTV au Canada.
Publication : La Massalia, 2 600 ans de Marseille (2000).
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