Défense de la langue française   
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Le français pour Étienne de Montety
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Le 4 février... 2020, le prix Richelieu devait être décerné à un journaliste de la presse écrite. C’est Étienne de Montety, du Figaro, qui a été élu pour la presse nationale. Nous le remercions vivement de nous avoir transmis son discours de remerciement.

Rassurez-vous, je serai bref : certains orateurs prennent prétexte du fait que le mot discours ne vient pas de l’adjectif court, pour faire long.
Ce ne sera pas mon cas.

Je vous remercie pour ce prix Richelieu que votre association m’a décerné. Il m’honore et me touche particulièrement, car il porte sur un sujet qui nous est cher : la défense et l’illustration de la langue française.

Votre prix se place sous le haut patronage du cardinal de Richelieu. Ce prélat, ce grand homme d’État à qui Dumas fit tant de tort et que les historiens peinent à réhabiliter à nos yeux, aimait tant la langue française qu’il entreprit de la protéger et de l’embellir, notamment en créant l’Académie française dont le chancelier Darcos est un des membres éminents. Un autre immortel, Roger Caillois, le dira plus tard : « L’homme de lettres est – j’ajouterai « devrait être » – le conservateur naturel de la langue. »

Avant Richelieu, François Ier, avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts, avait pris la décision d’imposer le français dans les documents officiels du royaume. C’est dire si la puissance publique a toujours veillé au langage. Pourquoi ? Parce qu’elle en connaît les enjeux : il y a dans la langue française un reflet de la France, de son histoire, de sa culture. Et de son avenir.

On rêve d’un État qui protégerait la langue française des affronts de la modernité, comme elle protège la santé publique. Aujourd’hui, on nous met en garde contre les méfaits du tabac, de l’alcool ou de la vitesse. Et contre le « iel » ? Comment procéderait cet État protecteur des arts et lettres ? Non pas en établissant des amendes pour ceux qui feraient par trop usage de l’anglais ou de l’écriture inclusive, mais on pourrait imaginer des campagnes d’affichage, vivantes, amusantes même, qui encourageraient et feraient la promotion du bon usage.

« Fumer tue » soit, mais le « teasing » ou les « like » nuisent gravement à la santé. Trois points de suspension ça va, mais un point médian, bonjour les dégâts !

Plus sérieusement, que faire quand le mauvais exemple vient d’en haut, des institutions publiques, universitaires notamment, ou de grands groupes privés ? Dostoïevski dit quelque part que « le français est indispensable pour faire carrière ». C’était peut-être vrai en Russie au XIXe siècle, mais en France en 2022, je m’interroge : le franglais, ou ce que Régis Debray nomme le gallo-américain, se porte bien parmi les élites.

Mais en cette matière comme en d’autres, doit-on tout attendre de l’État ? Je l’avoue, je suis trop libéral pour consentir à son intervention systématique et je préfère m’en remettre à l’usage, « notre maître à tous » comme le nommait Jean-François Revel. L’usage, c’est-à-dire la pratique de chacun d’entre nous. Etiam si omnes, ego non, « si tous parlent comme ça, moi pas ».

C’est donc à chacun d’entre nous de donner l’exemple, de le transmettre, de plaider pour un bon usage, et d’accepter une évolution de la langue française qui soit respectueuse de son histoire. Il faut par exemple admettre que nous ayons à la tête du gouvernement « une Première ministre » puisque les grands auteurs, du temps de Richelieu justement, employaient le mot comme un adjectif : « Dois-je prendre pour juge une troupe insolente / D’un fier usurpateur ministre violente ? » écrit Racine dans LaThébaïde.

Mais faut-il pour autant féminiser à tout-va ? Si ministre s’est laissé faire sans trop de mal, doit-on appeler celle qui préside aux destinées d’une équipe sportive une entraîneuse ?
Vous conviendrez que ce n’est guère heureux.

Alors notre programme est clair. Parlons français avec clarté, simplicité et humilité : préférons foyer d’infection à cluster, très occupé à surbooké. Résistons à l’invasion du jargon technologique : forward, bug, reset... L’appel du 18 juin sera toujours plus cher à notre coeur que l’Apple de Tim Cook.
En matière d’anglomanie, n’allons pas au-delà de Stendhal ou Proust.

Le combat n’est pas vain d’ailleurs : avez-vous observé qu’au théâtre, le mot « seul en scène » nous a débarrassés de l’antique « one-man-show » désormais très démodé ? C’est une jolie victoire, à poursuivre.

Et c’est là que votre association et son travail prennent tout leur sens, pour raffermir chacun d’entre nous dans sa pratique du français, pour rappeler à l’ordre les langues qui fourchent, et pour célébrer la beauté et la richesse d’un patrimoine commun.



Étienne de Montety, né en 1965 à Paris, journaliste et écrivain.

Études : à l’université Paris-X Nanterre : maîtrise de droit et sciences politiques, DESS de sciences politiques.

Carrière : collaborateur au journal Neuf (1986-1992).
Chargé de mission au théâtre Montansier de Versailles (1990-1992).
Journaliste à la Société d’éditions pour la famille (1992-1994).
Journaliste depuis 1994, chef de service (1995).
Rédacteur en chef adjoint (depuis 2003) du Figaro magazine.
Directeur du Figaro littéraire (depuis 2006).
Directeur adjoint de la rédaction du Figaro (2008).

Parmi ses oeuvres : Thierry Maulnier (1994),
Salut à Kléber Haedens (1996),
Honoré d’Estienne d’Orves,
un héros français (2001, prix Erwan-Bergot de l’armée de terre 2001),
Des hommes irréguliers (2006),
L’Article de la mort (2009),
Encore un mot (2012),
La Route du salut (2013, prix des Deux Magots 2014),
Un dernier mot, billets du Figaro (2016),
L’Amant noir, (2017, prix Jean-Freustié 2017),
La Grande Épreuve (2020, Grand prix du roman de l’Académie française 2020).

Distinctions : Légionnaire d’honneur de 1re classe (Légion étrangère).
(D’après le Who’s Who 2022.)
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