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Le français pour Jean Pruvost
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Invité d’honneur de notre déjeuner
du 13 juin, Jean Pruvost – professeur
d’université, écrivain... –, avait pour consigne
d’expliquer comment lui était venue
sa passion pour les dictionnaires au
point d’en posséder plus de dix mille.
Nous publions ci-dessous le début de
sa conférence, que l’on peut écouter
intégralement sur le site de DLF
(une heure environ)(ICI).
Mes parents étaient professeurs de sténodactylo, j’avais 16 ans et un
rêve très concret : acheter une mobylette bleue. Mon père, sévère,
n’accepta qu’à une condition. Un an durant, chaque jour, je dus suivre
sans faille le programme qu’il avait concocté : un quart d’heure de
sténographie, un quart d’heure de dactylographie, vingt mots d’anglais,
puis d’allemand, vingt minutes d’éducation physique et une demi-heure
de musique. Un an plus tard, je disposais de la mobylette et de l’estime
de mon père. C’est peut-être grâce à cela que je me suis intéressé aux
mots parce que, en réalité, la sténographie, c’est leur transcription
phonétique ; la dactylo, c’est leur orthographe ; les mots étrangers
sensibilisent à la morphologie et la musique révèle un autre code. Quant
à l’éducation physique, je vous l’assure, c’est fort bon pour soulever les
dictionnaires...
* * *
Je n’ai plus de mobylette, plus de contrat paternel, mais l’obsession
des mots est restée et, grâce aux chroniques quotidiennes, je continue d’apprendre. Au coeur de mes amis les dictionnaires, avec de belles
surprises. Par exemple, un matin, le mot
cyclone s’imposait, on l’annonçait
aux Antilles. Pour une fois, R. Estienne, Richelet, Furetière, C. de
Rochefort, l’Académie d’hier, T. Corneille, l’Encyclopédie, Féraud, ne
m’étaient d’aucun secours : le mot n’existait pas encore. Je le repérai
chez Littré. Il se trouve que j’en ai trois côte à côte, parce qu’ils n’ont
pas la même reliure... Folie de collectionneur. J’en consulte un et je lis :
« cyclone, féminin... » Une cyclone ! Me voilà émerveillé. Quelques
secondes plus tard, j’ouvre de nouveau le
Littré, celui d’à côté, plus près.
Et que lis-je ? « Un
cyclone »... Et ce commentaire : «
Au moment où
s’imprimait le C [1863],
cyclone était généralement fait féminin [...],
je lui
donnais donc ce genre. Depuis, l’usage a varié, les météorologistes l’ont fait
masculin. [...]
de là la discordance entre les différents tirages. » On ne
pouvait se trouver davantage en direct avec la vie de la langue ! Et quel
plaisir de raconter cela. Sans oublier le cyclone tout de même.
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Jean Pruvost lexicologue, né en 1949.
Diplômes : doctorat ès lettres.
Carrière : professeur de lettres (1975-1980) ; chargé de
mission d'inspection (1981-1983) ; inspecteur de l’Éducation
nationale (1983-1991) ;
directeur de l’École normale de
l’Essonne (1990-1991) ;
directeur du centre IUFM de
l’académie de Versailles (1991-1993) ; puis, à l’université
Cergy-Pontoise : directeur du département de Lettres et
Sciences humaines (1994-1996) ;
professeur des universités
(2000), directeur du master Sciences du langage (depuis
2005).
Concepteur et directeur de La Journée des
dictionnaires (depuis 1994) ;
directeur du laboratoire CNRS
LDI-Cergy (depuis 2000) ;
directeur éditorial des éditions
Honoré Champion (depuis 2009) ;
directeur d’Études de
linguistique appliquée (depuis 2009)...
Parmi ses oeuvres : Dictionnaires et nouvelles technologies, prix
international Logos(2000) ;
Les Dictionnaires de la langue
française (2002), Le Nouveau Littré (2005), Les Dictionnaires
français, outils d’une langue et d’une culture, prix de l'Académie
française (2006), Dictionnaire de citations de la langue française
(2007), Dictionnaire de la Chine, la Chine des dictionnaires
(2008), Le Vin et Le Loup (2010), Le Chat (2011), Les Élections
et Le Fromage (2012), Le Jardin (2013),
Le Cirque et Journal
d’un amoureux des mots (2013).
Décorations : commandeur de l’ordre des Palmes
académiques, chevalier des Arts et des Lettres.
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