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Le français pourJean-Pierre Colignon
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Invité d’honneur de notre déjeuner d’hiver, Jean-Pierre Colignon avait pour mission de présenter son Dictionnaire orthotypographique moderne (CFPJ, 2019, 28,50 €).

Extraits de sa démonstration sur l’utilité ou plutôt la nécessité de ce savoir.


[...] Si je parle des institutions ou des habitants de la terre Adélie – avec t minuscule, pas de trait d’union et A majuscule –, je parle du territoire. Mais peut-être devrais-je parler de la notion administrative de district, qui, là, impose d’écrire Terre-Adélie, avec deux majuscules et un trait d’union.

Si je dis que « le théâtre français va mal », en écrivant théâtre français avec deux minuscules sans trait d’union, je parle de l’ensemble du monde du théâtre, des comédiens, des comédiennes... Mais peut-être qu’en fait j’aurais dû écrire le Théâtre-Français – avec deux majuscules, trait d’union, synonyme de Comédie-Française, et donc ne parler que de la Maison de Molière.

[...] Une anecdote amusante : vous savez que, sous le Second Empire, la cour de Napoléon III et d’Eugénie se réunissait souvent à Compiègne et que les soirées étaient animées, entre autres, à partir de suggestions de Prosper Mérimée. Notamment, il y avait de petites saynètes (des « tableaux ») interprétées par les nobles invités. On jouait des petites scènes de l’Antiquité, de la mythologie, etc. Un jour, une fille du maréchal Magnan écrivit innocemment à son père : « Mon père, ce soir, je dois faire l’amour. Envoyez-moi tout ce qu’il faut. » Évidemment, en fait, elle devait jouer le rôle de l’Amour, de Cupidon... Il aurait fallu qu’elle mette un A majuscule pour que son père ne s’étrangle pas, de rire ou de fureur, à travers ses médailles !

L’orthotypographie peut être très importante pour éviter les faux-sens, les contresens, etc. Elle a pour objectifs essentiels de toiletter un texte, de le rendre plus lisible, en uniformisant l’orthographe, en alignant de façon logique tout ce qui est majuscule ou minuscule, en faisant ressortir certaines choses en italique ou bien en caractères gras, etc. L’orthotypographie touche à des milliers de cas d’espèce, et cela peut aller jusqu’à des aspects très pointus... Revenons à l’Histoire : je fais un énorme contresens – alors que je suis sous le règne de Louis XIV – si je parle du « prince Eugène » en écrivant prince avec une minuscule. Or, « prince Eugène », à l’époque de Louis XIV, ne peut désigner qu’Eugène de Savoie-Carignan, maréchalissime des armées impériales et principal adversaire des armées du Roi-Soleil...
Ce Prince Eugène-là s’écrit obligatoirement avec un P majuscule à Prince. Alors que, si prince Eugène – expression connue de l’Histoire – désigne Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, prince reste avec une minuscule. Donc, pour des férus de l’Histoire, s’il n’y a pas d’explications précises, on va droit au contresens : on se trompe de siècle, de période, etc.

[...] L’italique, dans certaines polices de caractères, est parfois appelé « romain penché » – celui-ci est, en principe, beaucoup moins beau comme caractère, parce qu’il est trop incliné. L’italique est employé pour beaucoup de choses, pour tous les titres d’oeuvres, ainsi : livres, films, tableaux, etc. En presse, on a pris l’habitude d’écrire en italique tout ce qui n’appartient pas à la rédaction, c’est-à-dire des propos qui sont rapportés. On est donc à la fois précis et prudent, en employant en même temps la ceinture et la paire de bretelles, en mettant ces citations entre guillemets et en italique !

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