• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •
Alain Dubos raconte
---------------------------
C’est toujours un plaisir de recevoir Alain Dubos,
romancier, dramaturge et écrivain, qui sait raconter
l’histoire. Corinne Mallarmé ne pouvait que le
confirmer lors de notre déjeuner du 12 octobre [voir
p. IV]. Ce pédiatre, qui fut vice-président de Médecins
sans frontières et qui a parcouru la planète d’est en
ouest et s’est particulièrement intéressé à l’Acadie, est
venu nous parler de son dernier ouvrage,
L’Épopée
américaine de la France. Histoires de la Nouvelle-France.
On le sait et on peut le regretter, au XVIII
e siècle, la France, qui était
intervenue dans la partie orientale de l’Amérique du Nord devenue
Canada et États-Unis, a vendu ses « arpents de neige » sous Louis XV.
La France était devenue quasiment propriétaire de cette partie orientale
de l’Amérique du Nord qui s’étendait des rives du Saint-Laurent à
La Nouvelle-Orléans, des Grands Lacs à l’estuaire du Mississippi. Le
grand territoire du sud donnant sur le golfe du Mexique porte toujours
le nom de
Louisiane, en souvenir de Louis XIV.
Les Anglais sont arrivés en nombre dans la partie septentrionale de
l’Amérique. Nous, Français, nous étions moins nombreux. Nous n’en avons
pas moins laissé des traces importantes et les Québécois comme les
francophones des provinces maritimes sont encore aujourd’hui nombreux
à défendre la langue française et peut-être avec plus de mordacité et de
conviction que ne le font les Français eux-mêmes dans leur pays.
Avec sa passion et son sens pédagogique – il avait d’ailleurs apporté une
carte pour illustrer son propos –, Alain Dubos nous a emmenés dans cette
Nouvelle France qu’il a sillonnée en tous sens, où les Français se sont heurtés
aux Anglais d’une manière qui a été déterminante à Québec, dans les
plaines d’Abraham, le 13 septembre 1759. Les deux généraux engagés
dans ce combat y ont perdu la vie : l’Anglais James Wolfe et le Français Montcalm. Les Français ont été vaincus, mais leur histoire dans cette région
du monde est d’une certaine façon exemplaire.
Les Français étaient 120 000 et les Anglais 1 200 000 : «
La France, alors
deux fois plus peuplée que l’Angleterre, que la Russie, que la Prusse, perdra
son Amérique parce qu’elle ne l’aura pas suffisamment ensemencée. » Les
Anglais « déchargent alors par convois entiers leur future Amérique sur les
quais de Boston, de New York, de Baltimore ou de Williamsburg », tandis
que la France consent à son outre-mer «
un goutte-à-goutte humain qui
lui fera payer cher sa pingrerie coloniale ».
Notre orateur nous rappelle cependant que jamais le domaine de
Louis XIV, déjà très occupé par ses guerres en Europe, ne s’était étendu
aussi loin et que les Français ont laissé de profondes traces en Amérique
du Nord. Ils l’ont prouvé par leur ingéniosité, par leur courage, par leur
sens humanitaire et leur compréhension pour les autochtones qui dans
ces régions les ont précédés, par leur vocation missionnaire aussi.
Ces Français ont réussi «
un coup de maître », et Alain Dubos le souligne,
à s’entendre avec les tribus amérindiennes. Une quarantaine d’entre
elles, «
concernées par leur guerre contre les Anglais vont signer le grand
traité mettant fin à des décennies de combats ». «
Presque cent ans après
le débarquement de Samuel de Champlain à l’île Sainte-Croix, au bout
d’un siècle d’incessantes tueries, la raison, triomphant des stratégies, des
tactiques, des calculs et des batailles, va s’imposer à Montréal. Le vieux
rêve de Frontenac, réconcilier les Français, leurs alliés et leurs adversaires
de l’Iroquoisie, va se réaliser. » Tous seront là sauf les Anglais.
Du point de vue technique, le génie paysan français va laisser dans ce
qui constitue aujourd’hui les provinces maritimes une « invention » qui
fonctionne toujours : l’aboiteau, «
le symbole de ce que fut l’Acadie des
colons ». Ce dispositif, ces digues nanties de clapets, permettaient aux
eaux douces de s’écouler à marée basse vers la mer et empêchaient,
clapets fermés, à la marée montante, la salinisation des terres cultivées
gagnées sur la mer.
Et puis, les Français ont amené avec eux des missionnaires, des jésuites
pour évangéliser les autochtones. Ils ont influencé ces vastes régions
d’Amérique du Nord par la foi catholique, laquelle a rapproché d’eux
les catholiques irlandais. Regardez le drapeau des Acadiens ! C’est le
drapeau de la France frappé de l’étoile de Marie et l’
Ave maris stella est
encore l’hymne national de ce peuple sans frontières qui vit en grande
partie au Nouveau-Brunswick. À Québec, d’autre part, les Ursulines
fleurissent toujours la tombe de mère Marie de l’Incarnation et
Marguerite d’Youville, bâtisseuse d’hôpital, y a toujours sa place.
Le Grand Dérangement demeurera une tache sur le drapeau des Anglais
et ce peuple français, chassé violemment de ses terres et de ses maisons
– Évangéline en restera le symbole –, trouvera refuge dans le sud de cette
Nouvelle-France, en Louisiane, d’où le français n’a pas totalement disparu.
Les Cajuns lui restent très attachés encore de nos jours. «
En Louisiane, c’est
l’accordéon germanique qui a enrichi la matrice française. De Lafayette à Bâton-
Rouge, de La Nouvelle-Orléans à Natchez, la musique cajun existe et triomphe,
qui fait tourner les générations mêlées, dans le sens des aiguilles d’une montre,
sur les centaines de pistes des samedis au bayou. »
Récit passionnant par lequel Alain Dubos, conteur comme écrivain
maniant notre belle langue avec simplicité, sens du concret et dynamique
joyeuse, nous a emmenés au pays des coureurs de bois, où « l’aventure
française » laisse des traces bénéfiques et indélébiles, ainsi que l’héroïsme
qui l’a animée.
Jacques Dhaussy
|
Au nombre des oeuvres d’Alain Dubos, citons :
Les Seigneurs de la Haute Lande(Prix Mémoire d’Oc
1996).
La Palombe noire (1997).
La Sève et la Cendre (1999).
La Fin des mandarins (2000).
Acadie, terre promise (2002).
Retour en Acadie (2003).
La Baie des Maudits (2005).
La Plantation du Bois-Joli (2005).
Constance et la ville d’hiver (2007).
Rouges Rivières (2008).
Les Amants du Saint-Laurent (2009).
Landes de terre et d’eaux (2011).
Les Tribus du roi (2011).
Prix Historia du roman historique, (2012).
Échec au Roy. Et l’Acadie, Majesté ?
(pièce de théâtre, 2013).
La Mémoire du vent (2012).
La Ferme de Bonne-Espérance (2014).
Le Dernier Combat
du docteur Cassagne (2016).
|