Défense de la langue française   
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CQFD
Ces Quelques Fautes à Déjouer
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Julien Soulié était notre invité d’honneur, le 10 octobre, pour présenter son nouvel ouvrage Par humour du français ! L’orthographe comme on ne vous l’a jamais expliquée (La Librairie Vuibert, 256 p, 18,90 €). Difficile d’en extraire un passage, tant toutes ses pages sont à la fois instructives et amusantes. Nous avons choisi, malgré tout, le deuxième et le quatrième de ses « CQFD »Julien Soulié était notre invité d’honneur, le 10 octobre, pour présenter son nouvel ouvrage Par humour du français ! L’orthographe comme on ne vous l’a jamais expliquée (La Librairie Vuibert, 256 p, 18,90 €). Difficile d’en extraire un passage, tant toutes ses pages sont à la fois instructives et amusantes. Nous avons choisi, malgré tout, le deuxième et le quatrième de ses « CQFD » (respectivement p. 92 et 165).

« Voilà. Je m’arrête un peu : c’est fatigant de lire, même si je trouve ce bouquin vraiment convaincant. »
Fatigant, fatiguant ? Convaincant, convainquant ?
Quand vous conjuguez votre verbe, vous devez retrouver votre radical intact : fatiguer donne nous fatiguons, je fatiguais, où le u du radical est précieusement conservé. Donc, ce u est présent dans fatiguant uniquement quand ce mot est un verbe (on appelle cette forme invariable un participe présent) :
Les élèves fatiguant le prof, il pique un roupillon en pleine interrogation.
Dans les autres cas, vous aurez affaire à l’adjectif fatigant (sans u), qui s’accorde avec le nom qu’il décrit :
Les élèves de ce prof sont fatigants.
Si vous hésitez, essayez de placer un petit très devant votre fatig(u)ant.
Si c’est l’adjectif, ça fonctionnera :
Les élèves de ce prof sont très fatigants.
Si c’est un participe présent, impossible :
Les élèves très fatiguant le prof, il pique un roupillon en pleine interrogation
n’est pas vraiment une phrase correcte...
Ce sera la même chose pour intrigant, navigant, zigzagant :
Le personnel navigant est très intrigant.
Ce phénomène touche aussi les formes en -c- / -qu- :
En communiquant et en provoquant, il s’est montré très convaincant.
Convainquant son auditoire, ce communicant est assez provocant.
CQFD.
* * * * *
« Voilà. On est en bonne voie pour finir cette oeuvre tout excitante avant la fin de la nuit. »
Tout excitante ? Depuis quand n’accorde-t-on pas tout au féminin ?
Devant un adjectif, tout est invariable, car il est synonyme de « complètement » (adverbe, donc invariable) :
Elle est tout étonnée d’avoir compris cette règle.
Mais alors, pourquoi dit-on Elle est toute fatiguée, elle est toute gentille ?
Toute est bien accordé, non ?
En effet, tout s’accorde devant un adjectif féminin commençant par une consonne : au Moyen Âge et même encore en français classique, 1’adverbe tout variait (souvenez-vous de Phèdre, chez Racine :
« C’est Vénus toute entière à sa proie attachée »).
Notre accord actuel devant une consonne est une survivance de cette variabilité.
Autre difficulté : et devant un h, alors ? Le h est-il considéré comme une consonne ou comme rien du tout, puisqu’on ne le prononce pas ?
Tout dépend du h.
Dans certains cas, il n’existe pas réellement et compte pour du beurre, on dit alors qu’il est muet :
Elle est tout habillée de caca d’oie.
Ce qui prouve qu’il est muet, ce sont la liaison (des (z)habits) et l’élision (l’habillement). Il s’agit en général de mots issus du grec ou du latin (habile, hébété, honnête, humain...). Tout restera donc invariable : Elle est tout hirsute.
Dans quelques cas, le h est « aspiré » et fonctionne alors comme une consonne :
Elle est toute honteuse.
On ne peut faire alors ni liaison (les | hontes), ni élision (la honte). Les adjectifs concernés viennent en général des langues germaniques, qui prononcent le h aspiré, ou plutôt « expiré » (hagard, haineux, hargneux, honteux...). Tout s’accordera donc devant l’adjectif féminin :
Elle est toute hâlée. CQFD.


Julien Soulié, est né à Paris, en 1976. Il fait ses classes dans le 14e arrondissement et une khâgne au lycée Fénelon.
Après une maîtrise en 1999, il obtient à la Sorbonne un DEA en linguistique diachronique, puis sera pendant dix-sept ans professeur de lettres classiques dans la région lilloise.
En 2003, il est finaliste des Dicos d’or, puis, dix ans plus tard, « Timbre d’or » des Timbrés de l’orthographe.
Il rédige de nombreuses dictées pour des concours d’orthographe et gagne la grande Dictée pour les Nuls trois années de suite.
En 2017, il devient formateur et membre des experts du Projet Voltaire. Le Projet Voltaire, c’est un outil ludique, rendant l’orthographe accessible à tous.
Il est l’auteur, depuis 2013, d’un certain nombre de cahiers de jeux, trucs et astuces, exercices orthographiques, ainsi que d’une dizaine de livres sur la langue française. Parmi eux : Kit de secours pour les nuls, Le Petit Livre du participe passé, Le latin facile, Le français, c’est facile...
Cette année sont sortis pas moins de quatre ouvrages : Bayer aux corneilles et 99 autres expressions qu’on n’a jamais (vraiment) comprises, Objectif zéro faute en 5 minutes par jour, La Bible du Certificat Voltaire et, bien sûr, Par humour du français!
Julien Soulié a aussi écrit les Mots croisés et les Mots fléchés du Robert et est verbicruciste pour la revue 7 Étoiles. Corinne Mallarmé
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