• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •
Éditorial N° 269
Aux Plumiers d’or
----------------------
Discours de notre président, lors de
la remise des prix du Plumier d’or,
le 16 mai, dans la salle de musique
de la Maison d’éducation de la
Légion d’honneur de Saint-Denis.
Je suis très heureux de prendre la parole ici aujourd’hui, de m’adresser
à vous, jeunes lauréats du Plumier d’or 2018 ; à vous, leurs professeurs
qui les accompagnez dans l’apprentissage de notre langue, à vous qui
oeuvrez au sein de Défense de la langue française, et à vous qui nous
accueillez en cette Maison d’éducation de la Légion d’honneur.
Mes premiers remerciements sont pour nos hôtes, qui ont bien voulu
nous ouvrir les portes de ce haut lieu des études humanistes. Au nom
de tous les membres de notre association, je veux vous dire notre
gratitude.
Ce concours du Plumier d’or ne serait rien sans l’engagement des
professeurs de français, qui ont permis cette année à 18 000 candidats,
appartenant à plus de 700 classes de 4
e, issus de 224 collèges, de participer
à cette aventure. À tous ces professeurs, j’exprime mon profond
attachement, car je n’oublie pas que l’enseignement des lettres fut ma
vocation première et resta longtemps mon métier.
Je me tourne à présent vers nos soixante lauréats, pour les féliciter, et
pour leur dire ce que signifie pour moi la « défense de la langue
française ».
Vous avez sûrement entendu parler d’un poète qui était né au temps
de la Renaissance, dans un petit village sur le bord de la Loire appelé Liré,
et qui se nommait Joachim Du Bellay. Du Bellay a écrit un livre intitulé
Défense et illustration de la langue française. Si, dans un prochain devoir
de français, au collège ou plus tard au lycée, vous écrivez le mot défense
« d e f f e n c e », vous aurez l’impression, en mettant deux
f et un
c, de
commettre deux grosses fautes d’orthographe. Eh bien ! rassurez-vous :
aucun point ne vous sera retiré ! Vous n’aurez qu’à dire à votre professeur
que Du Bellay lui-même écrivait ainsi le mot
Deffence au XVI
e siècle. Je vois
le regard noir et réprobateur de vos professeurs, qui se disent : voilà un
membre de l’Académie française qui encourage nos élèves à écrire des
fautes d’orthographe. Mais ils savent ce que je veux vous dire : il ne s’agit
pas d’écrire n’importe comment, mais la langue française évolue, elle a
toujours évolué et elle continuera toujours à évoluer.
Dans sa
Deffence et Illustration de la Langue Francoyse, Du Bellay compare
la langue française à un arbre. Nous sommes au printemps et vous savez
ce qui arrive aux arbres lorsque viennent les beaux jours : ils fleurissent,
et pour certains d’entre eux, ils donneront ensuite des fruits. Au
XVIe siècle, Du Bellay disait que la langue française était un arbre qui
commençait à peine à fleurir, qu’un jour, c’est sûr, il donnerait beaucoup
de fruits, mais à une condition : qu’on s’en occupe, qu’on le cultive.
Du Bellay avait raison : si je demandais à chacun de vous de me citer
le nom d’un grand écrivain ou d’un chef-d’oeuvre de la langue française
qu’il a aimé, cette salle – pourtant très vaste – ne suffirait pas à
emmagasiner tous les fruits que nous pourrions ramasser !
La langue française a été si bien cultivée et entretenue, que cinq cents ans
après Du Bellay, l’arbre continue à fleurir sans cesse et à fructifier. Votre
succès à ce concours l’a montré : chacun d’entre vous est comme un
arbre encore tout jeune, qui commence à peine à fleurir, et dont on est
sûr qu’avec l’aide de vos professeurs de français, il portera beaucoup de
fruits. Non que vous soyez tous destinés à être des écrivains. Mais là où
vous serez, quel que soit le métier que vous choisirez, vous cultiverez la
langue française parce que vous l’aimerez.
C’est ainsi que je conçois la défense de la langue française : comme
Du Bellay, je suis de ceux qui la voient non comme une langue du passé,
mais du futur, et préparer son avenir sera toujours la meilleure façon
de la défendre.
L’avenir de la langue française, c’est vous, chers lauréats. En
m’adressant à vous aujourd’hui, non seulement je regarde l’avenir, mais
je lui parle ! Et j’ai envie de lui dire, de vous dire, à tous et à chacun,
d’abord : « merci » ; ensuite : « bravo » ; et j’ajouterai pour saluer nos
amis et partenaires de la Marine nationale : « bon vent » !
Xavier Darcos
de l’Académie française
Retour sommaire