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Éditorial N° 281
Célébration
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Le 8 juin 2021, l’Institut de France célébrait le 400e anniversaire de
la naissance de La Fontaine*. Notre président, chancelier de
l’Institut, y a prononcé le « Discours d’ouverture ». Nous le
remercions de nous avoir autorisés à le publier et de l’avoir
« modifié pour la revue, car il avait aussi une fonction de mise en
place et de présentation des orateurs ».
Le lancement des célébrations du quatrième centenaire de la naissance
de Jean de La Fontaine s’est ouvert par une journée particulièrement
dense : après les points de vue exprimés par les représentants des
cinq académies qui composent l’Institut de France, la
Monnaie de Paris a frappé une médaille, puis des
rencontres et expositions ont suivi, l’après-midi, à Château-
Thierry. Entretemps, la fondation Michel Serres-Institut
de France et l’École normale supérieure organisaient une
rencontre autour du livre posthume que Michel Serres
avait consacré au fabuliste.
L’Institut de France assume depuis le début de cette année une mission
nouvelle, celle des commémorations nationales, et il a créé à cet effet
le service « France Mémoire ». Le quatrième centenaire de la naissance
de La Fontaine est évidemment l’une des dates majeures du calendrier
2021 de France Mémoire. Il y a un mois, sous la Coupole et en présence
du président de la République, nous commémorions la mort de
Napoléon, en évitant les écueils des relectures actuelles. En comparaison,
La Fontaine nous apparaît, si l’on peut dire, comme l’anti-Napoléon !
Point de polémique en vue, avec ce fabuliste populaire, universel et consensuel ! Il nous est familier, ancré dans la culture commune de tous
les Français, et même, au-delà de nos frontières, dans la littérature
mondiale.
Mais, d’abord, quelques rappels. Jean de
La Fontaine fut un fils de la Champagne.
Il est né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry,
où il sera dignement honoré dans les
semaines qui viennent. Sa maison natale est
aujourd’hui l’admirable musée Jean-de-La-
Fontaine.
Depuis 400 ans, chaque époque a eu
« son » ou « ses » La Fontaine : le Siècle de
Louis XIV, celui des Lumières, le temps du
romantisme, des nationalismes ou de la
mondialisation n’ont cessé de lire et relire
les
Fables, mais chacun à sa manière. D’où
cette impression de diversité sans cesse
renouvelée, qui n’aurait pas déplu à cet
auteur si paradoxal et inclassable. Mais alors, quels sont, et quels seront
« les » La Fontaine du XXI
e siècle ?
Dans la fable intitulée, précisément, « Le Pouvoir des Fables », il se
donne cet ironique programme :
«
Le monde est vieux, dit-on : je le crois ; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant. »
Évitons le contresens en lisant ces mots. Ce n’est pas aux jeunes élèves
que pense La Fontaine. C’est à l’enfant qui subsiste et qui écoute en
chacun de nous. Cette ambition suppose quelques procédés : des récits
simples, qui déjouent d’emblée les ruses et artifices du monde ; une
langue « transparente », comme les ondes et rivières des
Fables, mais fertile en allusions et pleine de surprises, qui appellent le sourire et la
réflexion. Marc Fumaroli y voyait une «
improbable alliance », mêlant une
«
langue des dieux » lyrique et «
l’intelligence sobre de l’ici », le sublime et
le proche.
Cette dualité, fondée sur des trésors d’érudition et de discernement,
fait rêver et instruit dans un même mouvement narratif. La popularité
des
Fables repose sur ce double jeu de la drôlerie et du message.
(À suivre.)
Xavier Darcos
Chancelier de l’lnstitut de France
*
L’enregistrement en vidéo de cette séance est accessible à tous sur la chaîne
YouTube de l’Institut de France.