Défense de la langue française   
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Éditorial N° 286


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Notre président, Xavier Darcos, chancelier de l’Institut, a reçu les lauréats du prix Richelieu et les membres de DLF, dans le salon Édouard-Bonnefous de l’Institut de France, le 9 juin 2022.

Soyez tous les bienvenus... chez Mazarin, car c’est à lui que nous devons ce Palais ; mais aussi chez Richelieu, qui a fondé l’Académie française, et dont nous honorons aujourd’hui la mémoire, grâce au prix qui porte son nom.
Plus simplement, soyez les bienvenus à l’Institut de France. Je suis très heureux, comme chancelier, d’accueillir en nos murs les membres de Défense de la langue française, ainsi que les lauréats des prix Richelieu pour les trois dernières années.
Deux années de suite, les malheurs du temps nous ont privés de l’occasion de nous réunir et de remettre notre prix Richelieu. Le plaisir de nous retrouver aujourd’hui n’en est que plus grand.
La saison est d’ailleurs très riche pour Défense de la langue française : il y a deux semaines à peine, j’ai eu la joie de présider la remise des « Plumiers d’or », aux élèves de collèges – c’était à l’École militaire, puisque la Marine nationale est notre partenaire.
Et la semaine prochaine, je présiderai la remise des « Plumes d’or »*, pour les élèves des Alliances françaises dans le monde – ce sera au Sénat. Quant au prix Richelieu, vous savez qu'il a été fondé il y a tout juste trente ans, afin de récompenser chaque année un journaliste de la presse écrite ou audiovisuelle qui « aura témoigné, par la qualité de son propre langage, de son souci de défendre la langue française ».
La première remise du prix Richelieu a donc eu lieu en 1992. C’est du moins ce que je croyais...
Mais après quelques recherches historiques et littéraires, j’en suis venu à l’idée qu’il faudrait corriger un peu cette chronologie, pour anticiper de quelques siècles l’origine de la cérémonie qui nous réunit ce soir. En effet, je crois pouvoir affirmer que le premier prix Richelieu a été remis, un jour de novembre 1628, à Surgères, cette petite ville de l’Aunis, huit lieues environ avant La Rochelle.
Ce jour-là, le cardinal de Richelieu était allé à la rencontre du roi Louis Xlll, venu de Paris vers La Rochelle dont le siège venait de prendre fin. À peine arrivé à Surgères, un tout jeune mousquetaire qui accompagnait le roi fut arrêté sur ordre du cardinal... L’entrevue entre les deux hommes, qui nous est racontée au dernier chapitre d’un roman célèbre, fut d’abord dramatique.
Le héros se croyait déjà livré au gouverneur de la Bastille ou directement au bourreau de service.
À un moment, « le cardinal s’approcha de la table, et, sans s’asseoir, écrivit quelques lignes sur un parchemin dont les deux tiers étaient déjà remplis, et y apposa son sceau.
– Ceci est ma condamnation, pensa le jeune homme.
– Tenez, dit le cardinal, le nom manque sur ce brevet, vous l’écrirez vous-même.
C’était une lieutenance dans les mousquetaires.
»
Préférant rendre hommage à la bravoure et à l’intelligence du jeune homme, plutôt que de sanctionner son indiscipline, Richelieu avait décidé de récompenser le mousquetaire. Et il s’en fit un allié.
Ainsi, Mesdames et Messieurs, fut remis le tout premier prix Richelieu.
C’était il y a presque 400 ans, alors que l’Académie française elle-même n’était pas encore fondée.
Le lauréat, s’il faut en croire Alexandre Dumas, était le chevalier d’Artagnan.
« D’Artagnan tomba aux pieds du cardinal, raconte encore Dumas.
Monseigneur, dit-il, ma vie est à vous, disposez-en désormais ; mais cette faveur que vous m’accordez, je ne la mérite pas : j’ai trois amis qui sont plus méritants et plus dignes... »
Rassurez-vous, mon intention n’est pas de reconstituer aujourd’hui la scène dans ses moindres détails... Nul ne sera obligé de tomber à genoux. Mais je tenais à faire ce rappel historique, aujourd’hui plus que jamais. Car, par notre truchement, Richelieu va récompenser ce soir, pour trois années, quatre lauréats. Quatre... c’est-à-dire le nombre exact des trois mousquetaires.
Vous le savez, Dumas n’avait pas vocation à défendre l’arithmétique, qui se défend très bien toute seule. Il se contentait de défendre la langue française, qu’il a même vaillamment illustrée. Les trois mousquetaires étaient donc quatre, cela n’a jamais posé de problème. Il n’y a donc aucun inconvénient à ce que les trois derniers prix Richelieu couronnent quatre lauréats. Voici leurs noms : Monique Raux et Étienne de Montety pour 2020 ; Stéphane Bern pour 2021, Emmanuel Khérad pour 2022.
Madame la lauréate, Messieurs les lauréats, vous savez ce qui vous reste à faire pour défendre la langue française les armes à la main. Et qui sait ? Peut-être certains porteront-ils une épée ? Mais n’attendez pas « vingt ans après » pour écrire les prochains chapitres de vos aventures !
Dès à présent, j’adresse mes sincères félicitations aux quatre nouveaux mousquetaires de la langue française qui reçoivent aujourd’hui leur brevet, sous les auspices du Cardinal, et je les invite à dire avec moi : « Un pour tous... »

Xavier Darcos
Chancelier de l’lnstitut de France





* Grâce au sénateur André Ferrand, nous devions accueillir les lauréates de La Plume d’or 2020 et 2021. Mais cette cérémonie a été annulée, l’une d’entre elles ayant quitté l’Alliance française pour poursuivre ses études à l’étranger, l’autre n’ayant pas obtenu son visa.
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