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Assemblée Nationale
COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 23ème jour de séance, 61ème séance
2ème SÉANCE DU MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002
LOI DE FINANCES POUR 2003 - deuxième partie - (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE
M. Jacques Myard -. Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous tenez « l'auberge France », qui est sise au carrefour de l'Europe, donc du monde. Et pour tenir cette auberge dans de bonnes conditions, vous devez affirmer une ligne politique indépendante, claire et déterminée. Mais il vous faut aussi des moyens suffisants. A cet égard, je salue votre budget, qui marque le redressement bienvenu de cette mission régalienne de l'État après des décennies de déclin qui ont mis notre diplomatie à rude épreuve. Elle doit être restaurée, et l'on se félicitera donc que le budget des affaires étrangères augmente de 13,4 % en 2003.
Cet effort est nécessaire car la France possède l'un des réseaux diplomatiques les plus étendus au monde. Certains esprits s'en étonnent - ce sont d'ailleurs les mêmes qui prônent une politique d'abaissement.

Ce réseau important n'est que le gage d'une présence : c'est aussi un atout irremplaçable pour faire entendre notre voix.

Ces dernières années, le ministère a rendu des postes budgétaires; c'est une faute que j'ai souvent dénoncée. Il est urgent que cela cesse, car ce ne sont pas les 9 409 agents des Affaires étrangères qui pèsent sur le niveau de notre dette : il faut être sérieux !

Il est, du reste, paradoxal de constater que ceux qui souhaitent l'abaissement de la présence française dans le monde sont souvent les mêmes qui poussent les régions, unités artificielles, à ouvrir des quasi-ambassades à l'étranger. La politique étrangère, c'est la voix de la France dans le monde. C'est à l'État de remplir cette mission, et à personne d'autre !
Si votre budget global augmente, certains postes ne méritent pas la rigueur qui leur est imposée. Ainsi, la nouvelle baisse de vos effectifs n'est pas acceptable. Ce n'est plus à votre ministère, qui a perdu plus de 10 % de ses agents en dix ans, de faire des économies dans l'appareil d'Etat. Elles peuvent facilement être trouvées ailleurs.

On ne peut se satisfaire davantage de la baisse des crédits de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, des établissements culturels, de coopération et de recherche à l'étranger, des opérateurs de l'action audiovisuelle ou encore de la coopération militaire, et je partage le sentiment de mon collègue Voisin à ce sujet.

J'avais déposé des amendements pour rétablir ces crédits, mais la guillotine budgétaire ne leur a pas laissé la chance de vivre... Monsieur le ministre, ne vous laissez pas impressionner par les comptables car vous devez recouvrer les moyens d'une politique étrangère indépendante et déterminée. On connaît le discours selon lequel hors la PESC, point de salut. Mais à ceux qui considèrent la France comme une puissance de seconde zone, les temps infligent un cinglant démenti. L'Europe est certes une dimension nécessaire de notre action, mais elle n'est pas exclusive, tant s'en faut.

La taille ne fait pas la puissance, et la France a des intérêts qui lui sont propres, en Europe mais aussi en Méditerranée, au Proche et Moyen-Orient et dans le reste du monde. Ces intérêts sont de tous ordres, et ils ne sont pas fongibles dans un super Etat européen.

De surcroît, la France a une vision du monde qui lui est propre. Conforme à ses intérêts, elle dérange parfois les puissants mais suscite souvent une attente forte de très nombreux peuples. C'est cette « demande de France » à laquelle il a plusieurs fois été fait allusion.

II est du reste plaisant de relever que ceux qui critiquent cette indépendance sont ceux qui prônent un régionalisme extrême, qui permettrait d'intégrer l'Europe des régions dans un atlantisme bon teint.

Monsieur le ministre, vous venez de démontrer que lorsque la France est déterminée, elle peut non seulement tenir son rang de grande puissance mais qu'elle est capable de faire échec à des puissances impériales.

L'Irak, qui occupe une position stratégique, doit demeurer indépendant. C'est un pays arabe plus laïque que d'autres, et il n'est pas nécessaire d'y renforcer l'intégrisme. La France entretient des relations séculaires avec le monde arabe, où sa langue est beaucoup parlée. Chacun se souvient de François 1er recevant à Toulon la flotte du Grand Turc alors que Charles Quint voulait imposer ses conceptions à toute la chrétienté. A bon entendeur, salut ! (Sourires).

Le monde arabe commande aujourd'hui l'équilibre au Moyen-Orient, au Proche Orient et en Méditerranée, et c'est dans cette partie du monde que se jouera la paix durant les prochaines années. Mener une guerre contre l'Irak, c'est accélérer tous les facteurs politiques de déstabilisation de la région et encourager l'idéologie du terrorisme. C'est donc une faute.

Une autre politique est possible, plus efficace, fondée sur l'ouverture et le soutien aux forces démocratiques. Il faut agir à long terme en s'attachant à réduire les causes de l'affrontement. Je me félicite donc que la France augmente son aide publique au développement jusqu'alors fortement négligée et qu'un secrétaire d'État soit chargé de suivre les questions relatives à la Méditerranée.

L'administration directe de l'Irak prévue par les Américains ne m'inspire qu'une observation : « Je leur souhaite bien du plaisir ! » La France doit se démarquer de cette aventure.

En rappelant aux États-Unis que la politique internationale n'est pas une vile copie de ces westerns où les bons et les méchants sont clairement identifiés, la France a retrouvé sa place sur la scène diplomatique.

Certains, et jusqu'à un ancien président de la République, ont prétendu que la France devait européaniser sa position sur l'Irak ,car elle y gagnerait en influence. Cette analyse est périmée car par son indépendance et ses positions clairvoyantes, la France rallie bien davantage que les adeptes des positions communes paralysantes des eurolâtres.

Nos partenaires européens n'ont rien à craindre d'une France qui refuse de se lier les mains par des procédures bruxelloises. ils n'ont rien à craindre d'une France qui proclame et maintient son indépendance: cela n'agace que les timorés ou les euro-pleurnichards qui ont abandonné depuis longtemps toute volonté d'exister.

En revanche, ils auront tout à perdre d'une France qui s'efface car ils se retrouveront américains. Ce sera sans moi ! « Cecos ac caeser » disaient les Gaulois

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