La Commission européenne a sommé le 27 juillet 2002 la France de modifier, notamment dans l'étiquetage des produits alimentaires, sa législation (loi Toubon) qui oblige la présence du français dans la description et la présentation des produits et services vendus en France.
La loi Toubon est, pour la Commission, une entrave à la libre circulation des biens et services, pierre angulaire de la construction européenne. Nous devons pouvoir avaler des « chicken wings » en anglais sans traduction. Diversité ; j'écris ton nom an anglais!
Le consommateur français devra se contenter d'une photographie souvent trompeuse ou d'un dessin pour comprendre. Quant aux indications précises concernant la composition des produits ou leur utilisation, seuls les anglophones, espèce protégée, en seront informés. Les Français « d'en bas », attardés locaux, auront pour comprendre des photographies ou des dessins.
En 2002, le droit de vivre et de travailler en français devient un combat. La Commission et plus généralement les institutions européennes ne s'attaquent jamais de front aux principes qui fondent les États membres ou certains d'entre eux, mais utilisent la méthode du contournement, en mettant en place des éléments variés sous couvert de dispositions techniques ou de décisions ponctuelles qui, une fois réunies, conduisent à l'instauration de mesures, qui auraient été rejetées, ou au moins discutées, si cette construction nouvelle avait été proposée ouvertement ou loyalement aux citoyens.
Aujourd'hui, c'est au tour des langues d'être dans la nasse; L'élément premier (prétexte de la Commission) est constitué par la jurisprudence de la « langue facilement comprise » de la Cour de justice des Communautés européennes qui impose aux Etats membres la vérification de l'existence sur leur territoire d'une langue, autre que leur langue nationale, « facilement comprise » par les acheteurs. Or la jurisprudence de la Cour de justice s'impose à toutes les juridictions nationales, et notamment aux juridictions françaises, comme l'a souligné Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation (1).
Le second élément, en préparation, est la pratique obligatoire de l'anglais dans l'enseignement dès le primaire, voire la maternelle, nous constations déjà que l'anglais est très prépondérant lorsqu'un apprentissage d'une langue étrangère est mis en place en primaire ou en maternelle. Anglais obligatoire et notion. de « langue facilement comprise » constituent les deux éléments du piège de l'Europe anglophone.
La souricière juridique est ici part faite mais demande du temps pour sa mise en oeuvre, puisque l'anglicisation complète de la France et de l'Europe ne pourra pas se faire avant 2020 ou 2030, voire 2050. Mais déjà, à l'horizon 2020, l'enseignement généralisé de l'anglais aura contaminé plusieurs générations de Français et la notion de « langue facilement comprise » au profit de l'anglais pourra s'appliquer.
Mais vingt ou trente ans, c'est encore trop long pour les anglomanes zélés de l'équipe Romano Prodi. L'injonction de ne plus défendre sa langue est le signe de l'affolement d'une Europe bureaucratique qui agresse, pour faire un exemple, la France, nation réfractaire au nouvel ordre linguistique mondial.
Mais cette sommation européenne est salutaire, elle permet aux Français de prendre conscience de la menace qui pèse sur la langue française et sur leur simple droit de pouvoir vivre en français en France. Elle permet de comprendre le piège mortel pour notre langue et les autres langues, de l'enseignement précoce et obligatoire de l'anglais. Il n'y a pas de fatalité linguistique, l'anglais n'est pas plus dédié à la modernité, que le français ou l'allemand. Les fusées Ariane s'élancent en français, le TGV roule en français et les ponts les plus grands se conçoivent en français. N'ayons pas un esprit de vaincus ou de colonisés, refusons le diktat de Bruxelles. Le nouveau gouvernement devra aussi montrer, comme les Français, au-delà des bonnes intentions, son énergie et son courage pour que le peuple français ait un destin en français!
Marc Favre d'Échallens
administrateur de l'association Défense de la langue française
(1)
Gazette du Palais, n°5 327 et 328 des 22 et 23 novembre 2000, avant-propos.