Non à la mondialisation ! Non aux multinationales qui licencient ! Non aux OGM et à la malbouffe ! Et pourquoi pas maintenant : non à l'anglicisation de l'information financière ! Puisque la contestation est à l'ordre du jour, ne nous en privons pas. Car, sans y prêter gare et malgré les combats de Jacques Toubon, ministre de la Culture en 1993, la langue anglaise s'impose comme le mode de communication unique sur les marchés financiers. Ce n'est pas vraiment nouveau. Déjà, les chefs d'entreprise des sociétés cotées doivent défendre leur stratégie en anglais devant les gérants de fonds britanniques, écossais, japonais, allemands ou italiens. Déjà, de plus en plus d'entreprises nationales tiennent des réunions en France tout en anglais. Mais maintenant, vous, actionnaires, devrez être des as de la comptabilité en anglais : le Conseil des ministres, et pas moins, vient de décider de faire voter (dans le cadre de mesures urgentes à caractère économique et financier) un projet de loi légalisant la diffusion de prospectus par les sociétés «
dans une langue usuelle en matière financière » c'est-à-dire l'anglais. Ce projet va à l'encontre d'une interdiction faite en décembre dernier par le Conseil d'Etat qui interdisait à la Commission des opérations de Bourse d'apposer son visa sur des notices en anglais. Rassurez-vous, nos technocrates ont la largesse de céder sur un point : les sociétés seront tenues de rédiger un résumé en français. Le français ne vaudrait donc pas plus ! C'est un comble : le projet de loi, s'il devait être voté en l'état, légaliserait l'anglais comme langue financière officielle en France, le français devenant tout à fait accessoire.
On connaît l'argument développé en de nombreuses occasions par les autorités de marché : ils craignent qu'en résistant la France ne se marginalise par rapport à ses homologues européens et n'hésitent pas à « sacrifier » les actionnaires individuels sur l'autel de la globalisation des marchés financiers. Mais où est le fameux principe de l'égalité de traitement de l'actionnaire devant l'information, prôné haut et fort par la COB ? On peut clairement s'interroger, et conclure, en attendant, qu'il faut y voir une volonté supplémentaire de brimer l'actionnaire individuel français.
Je vous propose donc dorénavant de boycotter les entreprises françaises qui publient des documents spécifiques en anglais, « agrémentés » d'un résumé en français. Et de privilégier au contraire celles qui respectent leur pays, leur histoire, leur statut d'entreprise française en éditant l'intégralité de leurs documents en français.. avec une traduction en anglais.
* Président directeur général du JOURNAL DES FINANCES et directeur de la publication
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