Défense de la langue française   
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Coup de Trafalgar contre la langue française

Aux armes citoyens !
La langue de Molière est de nouveau la cible de la CE.
Bruxelles veut nous interdire l'usage de notre langue
sur les étiquettes des produits alimentaires.
Le français est-il appelé à disparaître !

(Figaro magazine) samedi 10 août 2002
Par Léopold Sanchez

Les ménagères françaises auront-elles désormais à choisir, sur les rayons de leur supermarché, entre des « chicken wings » et des « spare ribs », ou de la « Dijon's mustard » et du « coleslaw »[1]... Peut-être, dans un premier temps, une photo de l'article en question viendra-t-elle les aider à faire leur choix, comme dans les fast-foods ?
Depuis une quinzaine d'années, la France subit une série d'escarmouches de la Commission européenne contre ce qu'il lui reste d'un art de vivre qui s'imposa comme un modèle de culture dans le monde. Pour résumer, nous dirons que c'est sa table et sa langue qui sont dans le collimateur de Bruxelles ! La dernière en date, c'est cet arrêt de la Commission demandant à Paris de ne plus imposer l'usage du français sur les étiquettes des produits alimentaires. Cette injonction a une histoire. Elle remonte à une directive européenne de 1978 qui, partant du principe qu'il fallait une « langue aisée à comprendre » par tous les membres de la CE pour faciliter la circulation des biens de consommation, se faisait fort de trouver une solution à ce problème. Toujours ce vieux spectre de l'espéranto qui apparut en Europe au lendemain de la dernière guerre.
La France avait chaque fois gagné la partie en se réfugiant derrière l'argument de la souveraineté de la langue nationale. Elle avait même réussi, sous l'impulsion de Jacques Toubon, alors ministre de La Culture, à renverser la tendance en proscrivant l'usage de l'anglais dans les campagnes publicitaires comme dans la promotion des marques. Cela, c'était en 1994 ! Pour veiller à ce que la « loi Toubon » soit respectée, le ministère de la Culture s'était adjoint les services d'une Délégation générale à la langue française (DGLF), qui semble avoir normalement fonctionné jusqu'en 1999, date de son dernier rapport annuel d'activité. Il semblerait qu'elle n'ait plus aucun pouvoir de sanction et que cette fonction, si elle est toujours d'actualité, soit assumée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Comme on peut le constater, on est très loin de la protection de la langue française !
Que s'est-il passé depuis, pour que Bruxelles remette le débat sur le tapis ? Comme le déclare Yves Marek, conseiller auprès du président du Sénat et membre de la commission qui mit au point la loi Toubon : « Ce qui se passe aujourd'hui montre bien que Bruxelles continue de penser, envers et contre tout, que l'existence de cultures nationales est une entrave à la construction de l'Europe. »
Les vieux démons de la mondialisation pointent de nouveau leurs cornes. Le processus de déculturation qui ne peut que profiter aux grandes marques internationales (Coca-Cola, Nike, etc.) qui ne manqueront pas de s'engouffrer dans la brèche que Bruxelles vient de leur offrir.
« Welcome in France » ! Est-ce le salut que nous adresserons désormais aux touristes en visite dans notre beau pays ? En nous imposant l'emploi d'une langue étrangère pour communiquer à l'intérieur de l'Hexagone, l'arrêt de Bruxelles nous conduit à nous poser quelques questions. En premier lieu, peut-on, sous la pression de quelques énarques européens, abolir l'article de la Constitution qui proclame que « la langue de la République est le français » ? Est-ce la fin de notre souveraineté nationale en matière linguistique ? Ce qui revient à nous interroger sur le poids de notre législation nationale, lorsque la Cour de justice des Communautés européennes fait primer sur elle n'importe quelle directive bruxelloise...

[1][retour] Ailes de poulet, travers de porc, moutarde de Dijon, salade de chou.

A lire : les Français et leur langue, édité par l'association le « Droit de comprendre », 34 bis, rue de Picpus, 75012 Paris (01.43.40.24.61).

Jacques Toubon : « La France s'est mal défendue ! »

L 'arrêt de Bruxelles sur l'usage de l'anglais sur les étiquettes des produits alimentaires rend obsolète votre loi de 1994 ?
Jacques Toubon - Au contraire, je pense que la loi votée sous mon impulsion et qui proscrit l'usage de l'anglais dans les campagnes publicitaires, comme dans la promotion des articles de consommation, est plus que jamais d'actualité. Tout comme le principe constitutionnel sur lequel elle repose.

Pourtant, la langue française est de nouveau sérieusement menacée par la construction de l'Union européenne ?
Oui, mais parallèlement, nos gouvernements ont pris une série de mesures pour garantir notre souveraineté nationale des excès administratifs de l'Europe. En particulier, depuis 1992, la révision de la Constitution inscrit la langue française, au même titre que notre drapeau, dans le cadre d'une protection législative.

Au même titre qu'une marque déposée ?
Oui, si l'on veut ! Cette loi visant autant à assurer l'intégrité de ces valeurs nationales qu'à garantir au citoyen le droit de connaître et de savoir ce qu'il salue, consomme ou respecte. Sachant que 95 % des consommateurs français ignorent la langue anglaise, vous imaginez que ces derniers ne peuvent que réagir avec violence devant un arrêt comme celui que vient de rendre Bruxelles.

Pourquoi la question de la souveraineté des langues nationales revient-elle aujourd'hui sur le tapis ?
Parce qu'il y a eu beaucoup de négligence de la part du gouvernement français précédent. Depuis le sommet européen de Cannes, en 1995, il a été admis que la diversité de ses langues constituait une richesse pour l'Union et qu'on ne pouvait donc, en aucun cas, dire ou prétendre qu'elle s'opposait à la construction de l'Europe, comme l'avait avancé la directive européenne de 1978. Malheureusement, cette prise de position claire et nette a été négligée ces dernières années par le gouvernement socialiste et, forte de ce silence, la Commission de Bruxelles défère aujourd'hui ce problème devant la Cour de justice européenne. C'est une étape qui s'inscrit dans la suite logique des escarmouches que nous subissons de la part de Bruxelles depuis une quinzaine d'années. Si la France s'était défendue avec plus de violence et de conviction devant ce problème, elle ne découvrirait pas, en juillet 2002, qu'un fait remontant à 1978 n'a toujours pas été résolu et qu'il risque de prendre une envergure considérable.

Quel moyen a la France de se défendre face à la Cour de justice ?
Dans un premier temps, la France doit refuser fermement de modifier la législation nationale. En second lieu, dans la négociation qui s'est ouverte autour de la nouvelle Constitution européenne, elle doit se donner comme objectif l'inscription dans le texte de cette Constitution, ou dans son préambule, du principe selon lequel la diversité des langues nationales est une richesse pour l'Europe et qu'elle ne constitue pas un obstacle à la construction de l'Union. C'est notre combat pour les mois qui viennent et dans la perspective de cette année 2004 qui doit voir l'avènement du texte européen.

Comment les autres nations européennes réagissent-elles face à un problème qui se pose également pour elles ?
Mais de la même façon que nous. Il ne faut pas oublier que, depuis les années 90, une législation comparable à la nôtre s'est mise en place en Espagne ou en Allemagne ; et que les pays européens nous appuient dans ce principe d'inscription de la souveraineté linguistique de chaque Etat membre de l'Union. Vous savez, il y a derrière tout cela un enjeu économique très important et qu'il ne faut pas négliger. L'uniformisation des emballages des produits alimentaires, c'est une étape vers l'établissement d'une seule entreprise centrale basée en Alaska, ou n'importe où ailleurs, et qui pourrait inonder la terre de ses produits. La fin de notre autonomie économique, c'est la porte ouverte au système de mondialisation entre les mains d'une seule et même puissance.
PROPOS RECUEILLIS PAR LÉOPOLD SANCHEZ


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