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FRANCOPHONIE
Le français n'est pas seulement un enjeu international
La langue française, fait social
Valeurs actuelles le 23 février 2007
Par GEORGES SARRE,
premier secrétaire du Mouvement républicain et citoyen
Il existe un pessimisme facile : notre langue serait une forteresse assiégée par les barbarismes anglo-saxons. Certes, la mondialisation économique et culturelle, facteur d'uniformisation linguistique, ne joue pas en faveur du français. Néanmoins, celui-ci garde de puis¬sants atouts, comme le prouvent les augmentations constantes du nombre de francophones et de la demande de cours de français à travers le monde. Conforter ces atouts, voilà notre responsabilité. Les enjeux économiques et politiques sont considérables. Je me limiterai à trois d'entre eux.
Les langues ne connaissent pas les frontières territoriales. Cette réalité doit nous conduire à réaffirmer avec force le droit au français dans toutes les circonstances de la vie sociale en France. La primauté de notre langue sur le sol national ne peut être négociée, et encore moins balayée d'un revers de la main, au motif qu'elle serait une entrave à la libre cir¬culation des produits et des personnes au sein du marché intérieur. L'exercice de la liberté suppose que les individus se comprennent entre eux et comprennent les messages, y compris commerciaux, qui leur sont adressés. Le principe, qui place le français comme la langue de la République, est donc imprescriptible; il en va de la protection des salariés, de l'information des consommateurs mais aussi, et surtout, de l'exercice de la citoyenneté. Il faut avec fermeté faire respecter l'article 2 de la Constitution et en sanctionner les contournements.
Le français est facteur déterminant de la cohésion sociale. Dans la conception de la nation qui est la nôtre, la langue française est un élément important de notre identité collective. Que chacun ait les capacités de s'exprimer pour trouver sa place dans notre société doit être une priorité de l'action publique, notamment de l'Éducation nationale, pour éviter l'éc ueil de l'isole-ment, voire du repli communautaire. Cela vaut pour ceux qui naissent sur le territoire national comme pour tous ceux que nous accueillons. L'intégration de tous dans notre société se fera d'abord par le partage d'une langue commune.
Nous ne pouvons tolérer davantage que plus de 10 % de la population ne maîtrisent pas ou peu notre langue et que, chaque année, plus de 60000 jeunes âgés de 17 ans soient repérés comme ayant de graves difficultés de lecture et d'écriture. Il faut sortir des simples déclarations de bonnes intentions et inscrire parmi les priori-tés la politique de prévention et de lutte contre l'illettrisme. Ce combat pour la maîtrise de la langue doit être mené dès l'école maternelle et poursuivi sans faiblesse par la suite.
Par ailleurs, avec les formations linguistiques assurées dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, un premier pas a été franchi en direction des primo-arrivants. Il faut aller au-delà, en particulier en augmentant le volume d'heures de cours dispensées, afin que le niveau en français des stagiaires en fin de formation soit plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui. Il faut également s'intéresser aux migrants arrivés avant la mise en place du contrat d'accueil et d'intégration
et qui, eux, n'ont pas toujours pu bénéficier de cours de français. Enfin, nous devons engager une vigoureuse action pour soutenir l'usage
du français dans les instances internationales. Si à l'Onu et dans l'Union européenne
la langue française bénéficie du statut de langue officielle et de travail, son usage dans le fonctionnement de ces institutions ne cesse de décroître.
A la Commission européenne, pour ne donner que cet exemple, la part des documents rédigés en français est passée de 38 % en 1996 à 16,4 % en 2005. La situation est préoccupante. Chaque Français doit comprendre que, chaque fois que nous cédons sur le plan linguistique, nous perdons à terme, et à un terme souvent proche, des parts de marché et donc des emplois. Il est plus naturel d'aller acheter et de se fournir chez ceux dont on comprend la langue, chez ceux qui savent se faire respecter. La mondialisation libérale est impitoyable pour ceux qui ne se battent pas sur tous les terrains. Les défis contemporains de la langue française dé-passent largement ces trois enjeux. La liste est longue. La politique de diffusion du français à travers le monde a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Comment développer le rôle de la langue française comme outil d'aide au développement? Quel projet politique doit porter la France dans l'espace francophone ? Autant de questions de première importance qui doivent être posées au cours des débats de la campagne présidentielle.
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