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La colère de l'amiral
Par Maurice Druon *
[Le Figaro le 11 novembre 2005]
Il s'appelle Michel Debray. L'homophonie n'est pas injustifiée. Il est vice-amiral en deuxième section. Il a été commandant du centre d'entraînement de la flotte, ainsi que de l'aviation embarquée et du groupe des porte-avions. Son avis en matière militaire n'est donc pas indifférent.
Il vient de découvrir que, ces jours derniers, a été inauguré à Lille le siège d'un état-major international, sous commandement français. Or, dans cet organisme qui comprend quatre cent vingt personnes, dont soixante-dix étrangers, parmi lesquels vingt et un anglophones seulement, la «langue de travail» doit être
l'anglais. Et notre amiral de s'en indigner, dans une page incendiaire qu'il fait circuler et à laquelle je pense devoir donner un écho.
«
Ainsi, écrit-il,
l'on impose à des militaires français, en France, sous les ordres de chefs français, de parler une autre langue que le français.»
La Constitution édictant que la langue de la République est le français, «
les autorités qui ont mis en place les dispositions en vigueur à Lille ont donc enfreint une règle constitutionnelle».
Il faut rappeler que les mêmes dispositions sont déjà appliquées à Strasbourg, au sein du corps européen, qui ne comporte qu'une infime minorité d'éléments anglophones, et à Toulon, dans un état-major naval correspondant à celui de Lille.
Pour faire bonne mesure, n'a-t-on pas équipé le magnifique amphithéâtre Foch, à l'école militaire, de fauteuils dont les accoudoirs contiennent un dispositif de vote : «
yes... no... abstain» !
Je ne puis que m'associer à la colère de l'amiral Debray, et l'approuver quand il s'écrie : «
En voilà assez ! Aux termes du règlement de discipline général dans les armées, les militaires français doivent refuser de se faire imposer en service l'usage d'une langue étrangère. Si l'armée française ne défend pas la France, à quoi sert-elle ?»
A mon tour, je pose une question : «
Et à quoi sert le Parlement ?» J'attends qu'un député veuille bien se lever dans l'Assemblée pour poser à Mme Alliot-Marie, pour qui je professe la plus grande estime, cette question d'actualité : «
Sous lequel de nos gouvernements a-t-on accepté l'obligation scandaleuse faite à nos états-majors d'employer une autre langue que la nôtre ? Notre ministre de la Défense a-t-il l'intention de rompre avec cette pratique et d'exiger, dans les armées, le retour au respect des règles de la Constitution ?» Nous serons nombreux à être attentifs à la réponse.
* De l'Académie française
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