• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •
Etiquetage des denrées alimentaires
dans d'autres langues que le français : à qui la faute ?
Europe des nations
septembre 2002
La quiétude estivale sur le front européen a été rompue par une salve d'articles de presse annonçant que la Commission venait, par un « avis motivé », de demander à la France d'abroger l'obligation (prévue par l'article R 112-8 du Code de la Consommation) d'étiqueter en langue française les denrées alimentaires vendues sur notre territoire. Et beaucoup de protester bruyamment contre « les ingérences inacceptables » de la Commission.
Nous ne nous joindrons pas à ce choeur. En effet, comme l'a établi un remarquable article de Romain Rochas, ancien chef de division à la Cour des Comptes des Communautés, publié dans la rubrique « Débats et Opinions » du Figaro (1), les premiers responsables de cette situation - effectivement intolérable - sont les Français eux-mêmes, et leurs gouvernements successifs.
Le tournant juridique dans cette affaire n'est pas juillet 2002, mais le 12 septembre 2000, lorsqu'a été rendu l'arrêt Geffroy/Casino de la Cour de Justice des Communautés : la France se trouvait condamnée pour avoir voulu imposer aux magasins Casino l'étiquetage en français de boîtes de Coca-Cola importées directement du Royaume-Uni ; selon la Cour, le Code français de la Consommation serait en contradiction avec l'article 16 de la directive 79/1 I 2/CE (modifiée le 20 mars
2000), qui impose seulement l'étiquetage « dans une langue facilement comprise par le consommateur », ici l'anglais.
A l'époque, nous avions vivement protesté contre cet arrêt, dans nos interventions publiques et par écrit (2), mais en pure perte. Peut-être certains croyaient-ils, comme d'habitude, qu'il suffirait de faire le gros dos, et que les institutions communautaires s'arrêteraient d'elles-mêmes, devant l'énormité des conséquences de leurs actions. C'est mal les connaître.
Elles ne s'arrêteront que si on les arrête. Romain Rochas, dans l'article du Figaro précité, fait justement remarquer qu'il s'est trouvé des gouvernements français pour approuver la rédaction ambiguë de la directive 79/1 12/CEE, et de ses modifications ultérieures. L'arrêt de la Cour de Justice ne fait qu'exploiter à fond les failles de cette rédaction au profit de la conception la plus unificatrice de l'Union (3). Mais qui a donné à la Cour ces pouvoirs d'interprétation exorbitants ? Qui l'a ensuite laissé les utiliser activement, pendant des décennies, au profit de la centralisation européenne?
De même, la Commission, à son tour, ne fait qu'élargir la brèche ouverte par la Cour de Justice. Mais qui a donné ses pouvoirs à la Commission ? Qui l'a laissé implanter en Europe les conceptions les plus supranationales ? Qui a refusé d'agir chaque fois que les souverainistes dénonçaient les effets pervers du système, et leurs conséquences prévisibles pour l'avenir ?
Aujourd'hui, le gouvernement français fait semblant de croire qu'on peut tout concilier le 1er août a été signé un décret qui ajoute à l'article RI 12-8 un alinéa précisant qu'en plus du français, d'autres langues peuvent figurer sur le même étiquetage. Bien sûr ! Mais ce n'est pas le problème ! Le problème posé par l'arrêt Geffroy/Casino, c'est de savoir s'il est licite d'utiliser l'anglais seul, à l'exclusion du français.
Dans un premier temps, les institutions communautaires vont peut-être fermer les yeux provisoirement pour ne pas envenimer les choses. Mais plus tard, de toute façon, elles reviendront à la charge. La volonté de conciliation du gouvernement français n'aura une fois de plus servi à rien, sinon à différer la prise de conscience, par les Français, de leur subordination croissante, et à différer, du même coup, leur nécessaire réaction.
(1) Français, faites votre examen de conscience! par Romain Rochas, le Figaro, 8 août 2002.
(2) Voir Démocratie ou super-Etat, par Georges Berthu - Editions François-Xavier de Guibert, 2000, page 63.
(3) La Cour reste plus fidèle à la lettre des traités dès qu'il s'agit de sauvegarder les prérogatives, même exorbitantes, de la Commission voir dans la même rubrique notre commentaire sur l'arrêt lego-Quèré.
Retour sommaire