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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juillet 2003.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 907)
de M. MICHEL HERBILLON sur la diversité
linguistique dans l'Union européenne
(documents E 2275-1, E 2024 et E 2182)
PAR MME JULIANA RIMANE,
Députée.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I.- LE DOUBLE DÉFI LINGUISTIQUE DE L'ÉLARGISSEMENT
A. LE RESPECT D'UNE TRADITION PLURILINGUE, UN ENJEU D'INTÉRÊT
EUROPÉEN
1. Le pluralisme linguistique est un principe consubstantiel à l'Union
européenne
a) L'égalité de principe
b) L'adaptation des pratiques
2. L'élargissement doit conduire à réaffirmer ce principe
B. LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE EN EUROPE, UN ENJEU
D'INTÉRÊT NATIONAL
1. Le recul de l'usage du français dans les institutions de l'Union européenne
2. Les moyens d'y remédier
a) Le statut et la formation des fonctionnaires européens
b) La promotion de l'enseignement des langues vivantes dans l'Europe
II.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
A. GARANTIR UN PLURILINGUISME MAITRISE
B. PROMOUVOIR LA LANGUE FRANÇAISE
C. DÉVELOPPER L'APPRENTISSAGE DES LANGUES ÉTRANGERES DANS
LES SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS
TRAVAUX DE LA COMMISSION
TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
INTRODUCTION
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est saisie d'une
proposition de résolution relative à la diversité linguistique dans l'Union européenne,
présentée par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, qui l'a
adoptée à l'unanimité, en conclusion d'un rapport d'information (n° 902) de notre
collègue Michel Herbillon : Les langues dans l'Union élargie : pour une Europe en
V.O.
A travers cette proposition de résolution, la délégation souhaite que
l'Assemblée nationale exprime son attachement au principe du plurilinguisme en
vigueur au sein des institutions de l'Union européenne, dans le nouveau contexte créé
par l'élargissement qui interviendra au 1 er mai 2004.
Garant de la diversité culturelle et linguistique, ce principe, qui permet en effet
à chacun de s'exprimer dans sa langue au sein des institutions européennes depuis 1958,
participe au premier chef de la spécificité et de l'originalité du modèle européen. Le
projet de Constitution européenne présenté par la Convention pour l'avenir de l'Europe
consacre d'ailleurs au nombre des principes constitutionnels la diversité culturelle et
linguistique de l'Europe. Il s'agit donc de réaffirmer cette notion de diversité comme
alternative à l'hégémonie du modèle anglo-saxon.
Tel est l'enjeu de la présente résolution qui appelle l'Assemblée nationale à se
prononcer pour la garantie du principe d'un multilinguisme adapté aux contraintes de
l'élargissement et en faveur de la promotion de la langue française dans les institutions
de l'Union et, au-delà, dans les Etats membres.
I.- LE DOUBLE DÉFI LINGUISTIQUE DE L'ÉLARGISSEMENT
Le régime juridique de plurilinguisme, qui fait la richesse et la diversité de
l'Union européenne, est unique au monde. Garantissant à chacun, élu, représentant ou
citoyen de pouvoir s'exprimer dans sa langue, il est partie prenante du fonctionnement
démocratique des institutions de l'Union. Il constitue, en outre, un enjeu fondamental
pour la place du français en Europe.
A. LE RESPECT D'UNE TRADITION PLURILINGUE, UN ENJEU D'INTÉRÊT
EUROPÉEN
L'égalité des langues des Etats membres de l'Union européenne est un principe
consacré sur le plan juridique. Néanmoins il est nécessaire d'anticiper les incidences de
l'élargissement qui entraînera dans moins d'un an l'irruption de neuf langues
supplémentaires. Le maintien de la stricte application d'un régime juridique qui fait
d'ores et déjà l'objet d'aménagements pratiques est donc remis en cause.
1. Le pluralisme linguistique est un principe consubstantiel à
l'Union européenne
a) L'égalité de principe
L'originalité de la construction européenne, modèle juridique sui generis, est
aussi linguistique, puisque l'égalité entre les Etats membres est assortie de l'égalité
entre les langues. Les langues officielles de l'Union européenne sont donc les langues
officielles des Etats (C'est ainsi que l'Europe des Quinze compte onze langues officielles qui sont : l'allemand, l'anglais, le danois, l'espagnol, le
finnois, le français, le grec, l'italien, le néerlandais, le portugais et le suédois. A ces onze langues, il faut ajouter le gaélique,
langue officielle en Irlande, mais qui n'a qu'un statut particulier de langue des traités, l'Irlande ayant fait de l'anglais sa
langue officielle au sein de l'Union européenne. En pratique, cela signifie que les traités sont rédigés en douze langues alors
que l'ensemble du droit dérivé ne l'est qu'en onze.). En effet, le régime linguistique de l'Union européenne fixé en
1958, par voie de règlement(Règlement n°1/58 du 15 avril 1958) du Conseil statuant à l'unanimité, et jamais remis en cause
par les élargissements successifs, repose sur un principe d'égalité entre les langues des
Etats membres, qu'il s'agisse des langues officielles ou des langues de travail.
En conséquence, l'ensemble des textes officiels, créateurs de droit ou non, sont
rédigés dans les onze langues officielles ; il en est de même en ce qui concerne la
publication du Journal officiel des Communautés européennes (JOCE). Les institutions
de l'Union ont l'obligation de correspondre avec l'extérieur dans la langue officielle de
l'Etat destinataire. Cela signifie que, s'agissant des actes juridiques, les textes adressés
par les institutions à un Etat membre ou à une personne relevant de la juridiction d'un
Etat membre sont rédigés dans la langue de cet Etat, cette seule version linguistique
faisant foi. L'édiction par l'Union européenne de règles de droit contraignantes et
directement opposables aux Etats et aux citoyens justifie sans conteste l'application
d'un tel régime juridique.
Ce règlement de 1958 appelle toutefois deux remarques :
- il fait état des « langues officielles » et des « langues de travail », sans pour
autant en préciser les différences de nature ou de régime ;
- s'il fixe le principe de l'égalité des langues officielles et de travail de l'Union,
il renvoie néanmoins aux règlements intérieurs de chaque institution communautaire (Néanmoins la Cour de justice des communautés européennes ne relève pas de ce règlement.)
pour sa mise en œuvre.
b) L'adaptation des pratiques
En réalité, le règlement de 1958 a donné lieu à des applications divergentes
d'une institution à l'autre. En outre, certaines des langues dites de travail ont acquis, au
fil de l'évolution de l'Europe, une position dominante.
Le Parlement européen est l'institution dont les pratiques sont les plus proches
du principe d'égalité stricte entre toutes les langues. En effet, tant les débats en séance
plénière que ceux en commission font l'objet d'une interprétation intégrale active dans
les onze langues : concrètement, cela signifie que chacun peut s'exprimer et recevoir
une traduction dans sa langue. S'agissant de la traduction des documents, le principe est
similaire : tous les documents législatifs (rapports, amendements, résolutions…) sont
systématiquement traduits dans les onze langues.
La Commission, pour sa part, utilise depuis longtemps trois langues de travail :
l'anglais, le français et, dans une moindre mesure, l'allemand. Pour des raisons
d'efficacité, les services de la Commission ont fait le choix de ces trois langues,
établissant ainsi une distinction de fait entre les langues officielles et les langues de
travail.
Au Conseil enfin, on recense presque autant de régimes linguistiques qu'il
existe de catégories de réunions. Pour l'essentiel, les réunions qui se tiennent à un
niveau politique (c'est-à-dire les réunions du Conseil européen et les réunions
ministérielles du Conseil de l'Union) bénéficient d'une interprétation intégrale dans
toutes les langues officielles. En revanche, les réunions qui se déroulent au niveau
administratif, font l'objet de plusieurs régimes linguistiques distincts :
- les réunions du Comité des Représentants permanents (COREPER), les
ambassadeurs des Etats membres à Bruxelles, sont en trois langues : anglais, français et
allemand ;
- les réunions des groupes de travail consacrés à la Politique étrangère et de
sécurité commune (PESC) ne se déroulent qu'en deux langues : anglais et français ;
- les règles au sein des centaines d'autres groupes de travail (justice,
environnement, transports, énergie...) sont très hétérogènes, allant de l'absence
d'interprétation à une interprétation intégrale, notamment pratiquée pour les réunions
« Justice et affaires intérieures » qui réunissent des fonctionnaires très spécialisés ne
maîtrisant pas nécessairement une langue étrangère de manière parfaite.
2. L'élargissement doit conduire à réaffirmer ce principe
Si le principe d'égalité des langues, relativement simple à mettre en œuvre lors
de la création des Communautés, constituées de six pays mais de seulement quatre
langues (allemand, français, italien, néerlandais), n'a jamais été remis en cause au fur et
à mesure des élargissements successifs, le quasi-doublement du nombre de langues
officielles que signifie l'élargissement prévu au 1er mai 2004 (Les nouvelles langues officielles seront : l'estonien, le hongrois, le letton, le lituanien, le maltais, le polonais, le slovaque, le
slovène et le tchèque.) constitue un véritable défi
pour l'Union européenne qui en comptera alors vingt (Dans l'hypothèse de l'adhésion de Chypre réunifiée, le turc pourrait également acquérir un tel statut.). A tel point que le rapporteur de
la délégation pour l'Union européenne n'hésite pas à le qualifier de « véritable bombe ».
Le défi est d'ordre non seulement budgétaire mais surtout matériel, technique,
logistique et humain. En matière d'interprétation, par exemple, l'impact de
l'élargissement à vingt langues se traduira par un passage de 110 à 420 combinaisons
possibles.
Aussi, à la veille d'un élargissement historique, la question linguistique n'a
jamais été aussi délicate. Les options envisagées et les solutions retenues varient d'une
institution à l'autre, sans pour autant que soient remis en cause les fondements du
plurilinguisme. En effet, loin de constituer un handicap, celui-ci, pour peu qu'il soit
maîtrisé, représente un formidable atout.
Tout en considérant que le droit conféré à un membre élu de parler, de lire et
d'écrire dans sa propre langue constitue le fondement de sa légitimité démocratique, le
Parlement européen a ainsi fait le choix politique d'un " multilinguisme maîtrisé " qui
garantit une couverture linguistique totale dans des conditions rationnelles et à un coût
raisonnable. Le régime linguistique retenu sera organisé autour de trois langues pivots -
l'allemand, l'anglais et le français -, qui, à elles trois, sont parlées ou comprises par
90 % des députés européens.
La Commission européenne devrait conserver son régime de trois langues de
travail (allemand, anglais, français).
C'est en réalité le Conseil, où se déroule actuellement la négociation, qui
constitue le cas le plus délicat, d'autant plus que le régime linguistique ne peut être
modifié qu'à l'unanimité. Et grand est le risque d'un blocage durable. En résumé, nul ne
remet en cause le principe de l'interprétation intégrale des réunions au niveau politique.
En revanche, la confusion reste totale pour les autres réunions, et certaines pratiques qui
sont notamment très favorables au français, en particulier les régimes PESC et
COREPER, pourraient être remises en cause.
Pour l'essentiel, deux voies sont envisagées :
- La première est fondée sur un système de langues fixes pour lesquelles
l'interprétation et la traduction seraient systématiques. Ce régime présente l'avantage de
la simplicité mais est politiquement très difficile à officialiser. En effet, comment
justifier de privilégier telle langue plutôt que telle autre ? Certes, les trois langues de
travail les plus utilisées sont, dans l'ordre, l'anglais, le français et l'allemand. Mais la
perspective de pérenniser ces trois langues provoque une vive opposition de l'Italie et
de l'Espagne, qui revendiquent légitimement le droit à utiliser leur langue. Dans
l'Europe élargie, un tel système ne saurait pas davantage faire l'économie du polonais
tout en suscitant des revendications de la part d'autres Etats…. En somme, il n'existe
aucun critère objectif visant à choisir une langue plutôt qu'une autre, et ce qui est
accepté dans la pratique ne saurait politiquement être rendu public.
- L'autre voie repose sur une logique de marché selon laquelle chaque pays
doit payer pour utiliser sa langue. C'est sur la base de cette approche que la négociation
est aujourd'hui la plus avancée. Plusieurs modalités d'application sont envisageables, de
la fixation d'un droit de tirage pour chaque pays, financé sur le budget communautaire,
à la définition d'un régime de base constitué de quelques langues et d'un régime
complémentaire de paiement à la demande. Ce dispositif de paiement à la demande est
depuis longtemps appliqué dans la plupart des institutions internationales. Il aurait
l'avantage, sous certaines conditions, de placer les Etats à égalité les uns avec les autres,
mais présenterait l'inconvénient d'encourager certains pays à abandonner l'usage de
leur langue, pour des raisons budgétaires. Cela serait très dommageable pour le
plurilinguisme européen et conduirait à un recours quasi-systématique à l'anglais.
En l'état de la négociation, nul ne sait quelle réforme sera finalement adoptée.
Les présidences danoise et grecque ayant échoué sur ce dossier, il n'est d'ailleurs pas à
exclure que l'on se borne à en rester aux pratiques en cours... Quoi qu'il en soit, il est
vivement souhaitable qu'un accord soit trouvé autour des points suivants :
- l'officialisation des régimes PESC et COREPER, très favorables au français ;
- le recours le plus fréquent possible aux régimes dits « asymétriques » qui
permettent à chacun de s'exprimer dans sa langue mais de n'obtenir une traduction des
débats que dans un nombre restreint de langues « actives » ;
- la répartition équitable de la charge financière.
Ce sont là les conditions minimales du respect d'un plurilinguisme effectif au
sein des institutions de l'Union. Un plurilinguisme qui, loin de représenter une menace,
fait au contraire bonne place au français.
B. LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE EN EUROPE, UN ENJEU
D'INTÉRÊT NATIONAL
Le rayonnement de la langue française est confronté, en Europe comme dans le
reste du monde, à la concurrence irrésistible de l'anglais. Mais, ainsi que l'indique le
rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, «
c'est bel et bien en Europe que
se joue l'avenir du français dans le monde. »
1. Le recul de l'usage du français dans les institutions de l'Union
européenne
Force est de constater que, depuis 1958, l'évolution des pratiques linguistiques
ne s'est pas faite, au sein des institutions de l'Union européenne, dans un sens des plus
favorables au français, ainsi que le rappelle le rapporteur de la délégation :
«
Mécaniquement, les élargissements successifs ont affaibli la position de notre langue
au sein de l'Union européenne, et doivent nous conduire à nous interroger sur
l'attractivité du français à l'égard des Européens. »
Le français, qui a occupé une position dominante jusque vers le milieu des
années 1970, a subi l'irrésistible concurrence de l'anglais à partir de l'adhésion du
Royaume-Uni et de l'Irlande en 1973. La situation s'est plus particulièrement dégradée
depuis l'élargissement de 1995 à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande. Ainsi, la
proportion de documents de la Commission initialement rédigés en français est passée
de 58 % en 1986 à moins de 30 % en 2001. Bien évidemment la proportion des
documents rédigés en anglais évolue en sens inverse. L'érosion du français comme
langue de rédaction d'origine des documents du Conseil est également constatée.
En outre, l'anglais a été la seule langue utilisée lors des négociations
d'adhésion avec les pays candidats. A cet égard, le rapport au Parlement sur l'emploi de
la langue française en 2002
(Délégation générale à la langue française et aux langues de France, rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française,
2002) souligne que les conférences intergouvernementales
d'adhésion se déroulent exclusivement en anglais, y compris avec les représentants des
pays membres ou observateurs de l'Organisation internationale de la francophonie, et
notamment la Lituanie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie. Une enquête
statistique portant sur les 162 observateurs des pays candidats au Parlement européen
révèle d'ailleurs que leur première langue étrangère est à 82 % l'anglais, à 14 %
l'allemand et à seulement 4 % le français. C'est donc à juste titre que le rapporteur de la
délégation souligne le risque de nouvelle diminution de l'usage du français que
représente l'arrivée des députés des pays d'Europe centrale.
On enregistre par ailleurs une inflation du nombre d'infractions à la
réglementation linguistique qui se manifestent par l'utilisation exclusive et
véritablement discriminatoire de l'anglais : publication d'annonces de recrutement
spécifiant que les candidats doivent obligatoirement être de langue maternelle anglaise ;
multiplication des appels d'offres en anglais, notamment pour la mise en œuvre des
programmes de coopération PHARE et TACIS; existence sur Internet de sites
institutionnels dans la seule langue anglaise, en particulier celui la Banque centrale
européenne.
2. Les moyens d'y remédier
Il est sans aucun doute vain de vouloir concurrencer l'anglais tant le combat est
inégal. Pour autant le recul du français n'est pas irrémédiable : l'enrayer repose sur une
série de mesures en faveur de notre langue comme du multilinguisme. En effet,
l'objectif de faire du français la deuxième langue de l'Union suppose le développement
de l'apprentissage et de la maîtrise de plusieurs langues étrangères. D'autant que la
localisation des principales institutions dans des villes francophones ou françaises, telles
Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, constitue une forte incitation à la connaissance de
notre langue.
a) Le statut et la formation des fonctionnaires européens
A l'heure actuelle, le statut des fonctionnaires européens ne prévoit l'obligation
de posséder une connaissance approfondie que d'une langue étrangère, ce qui peut
paraître à tout le moins étonnant concernant des organisations internationales et à tous
égards insuffisant dans la perspective de l'élargissement.
Aussi, dans le cadre de la négociation en cours sur la réforme de ce statut, la
France et l'Allemagne ont pesé de tout leur poids en faveur de l'encouragement au
plurilinguisme. C'est ainsi qu'au terme d'une négociation difficile, un compromis
politique conclu le 19 mai dernier prévoit que les fonctionnaires recrutés après l'entrée
en vigueur du nouveau statut devront, pour pouvoir être promus au grade
immédiatement supérieur à leur grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur
capacité à travailler dans une seconde langue étrangère.
La formation des fonctionnaires européens est un enjeu central pour conserver
le français comme l'une des langues pivots de l'Europe élargie. L'accent doit par
conséquent être mis sur l'offre de formation linguistique proposée aux fonctionnaires
des pays européens et des pays candidats. Plusieurs initiatives, d'origine française ou
francophone s'inscrivent à l'heure actuelle dans cette démarche, qu'il s'agisse du «
Plan
pluriannuel en faveur du développement de la langue française, dans le contexte
pluriculturel et plurilingue des institutions de l'Union européenne » mis en œuvre par
l'Agence intergouvernementale pour la francophonie, ou des stages de formation
linguistique organisés, sur les crédits du Fonds d'intervention pédagogique, par la sousdirection
du français du ministère des Affaires étrangères. Ainsi que le souligne le
rapporteur de la délégation, une rationalisation des multiples structures engagées en
faveur de la promotion du français permettrait sans doute de renforcer l'efficacité de
leurs actions.
b) La promotion de l'enseignement des langues vivantes dans l'Europe
Mais c'est en réalité en amont, au stade des apprentissages scolaires qu'il faut
agir afin de faire vivre le plurilinguisme. Ainsi que le souligne le linguiste Claude
Hagège, «
l'apprentissage de plusieurs langues étrangères n'est en fait que la prise en
considération de la diversité de l'Europe. L'enseignement des langues étrangères ne
doit pas être perçu comme étant en concurrence avec l'enseignement du français. Au
contraire, la France doit assurer la promotion de la langue nationale à travers la
diversification »
(Propos recueillis sur le site pédagogique Eduscol du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche (mai
2001)).
L'enjeu de l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères est donc
essentiel pour le français. En effet, lorsque les systèmes éducatifs ne proposent qu'une
seule langue, l'anglais est systématiquement choisi, alors que l'offre d'une seconde
langue favorise le français. Notre langue sera donc d'autant plus présente en Europe que
les systèmes éducatifs nationaux établiront l'enseignement obligatoire de deux langues
étrangères, ce qui n'est aujourd'hui le cas que dans sept pays de l'Union sur quinze. A
cet égard, la réforme de l'enseignement des langues vivantes récemment intervenue en
Espagne est significative : on y recense aujourd'hui 1,3 million d'élèves apprenant le
français contre seulement 250 000 en 1998, lorsqu'une seule langue étrangère était
enseignée à l'école.
Mais s'agissant des futurs Etats membres, il ne faut pas négliger le fait que le
choix de l'apprentissage d'une langue étrangère dépend désormais davantage de
l'intérêt économique et des débouchés en termes d'emploi que représente ladite langue
que de la tradition culturelle du pays considéré. C'est ainsi que même dans un pays de
tradition francophone bien ancrée tel que la Pologne, le français est dépassé par
l'anglais. C'est la raison pour laquelle, au-delà de l'offre de formation linguistique, la
place du français résultera
in fine, dans ces pays, de la présence économique française
et, en application du principe de libre circulation des travailleurs, du marché du travail
en France.
II.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Affirmant en préambule l'attachement de l'Assemblée nationale à la diversité
linguistique et culturelle que consacre l'élargissement de l'Union européenne à dix
nouveaux pays (point 1), la proposition de résolution comporte dix-neuf points
organisés en cinq chapitres, recouvrant à la fois le respect du plurilinguisme et la
politique de promotion du français dans les institutions européennes.
A. GARANTIR UN PLURILINGUISME MAITRISE
S'agissant du respect du plurilinguisme dans le fonctionnement des institutions,
la proposition de résolution met principalement l'accent sur la négociation en cours au
Conseil en soulignant la nécessité de maintenir le principe de l'interprétation intégrale
pour les réunions de niveau politique (point 2), de pérenniser les pratiques linguistiques
en vigueur dans les réunions PESC et COREPER (point 3) et de rechercher, pour le
régime linguistique des autres groupes de travail, une solution équitable et consensuelle
autour de quelques langues pivots.
En outre, la proposition se félicite du compromis obtenu le 19 mai 2003, dans
le cadre de la réforme du statut des fonctionnaires européens, selon lequel la promotion
au grade immédiatement supérieur au grade d'entrée en fonction sera soumise à la
maîtrise de deux langues étrangères (point 16), tout en souhaitant une évaluation
transparente et objective des compétences linguistiques considérées (point 17).
Elle propose, par ailleurs, de généraliser, à titre expérimental, les tests de
présélection en trois langues, actuellement organisés pour le recrutement de
fonctionnaires issus des futurs pays membres, à l'ensemble des concours (point 19).
Enfin, insistant sur le respect du principe de non-discrimination linguistique, la
présente proposition appelle au signalement systématique des infractions linguistiques
commises par les institutions et organismes communautaires en violation de leurs
obligations (point 9) et à l'adoption d'une " charte linguistique " applicable aux sites
internet communautaires afin d'éviter la publication d'informations dans une seule
langue (point 10). Pour sa part, la délégation souhaite effectuer un suivi annuel de
l'évolution des pratiques linguistiques dans les institutions européennes (point 14).
Tout en permettant de garantir le respect du plurilinguisme, ces dispositions
concrètes contribuent également à favoriser de manière indirecte l'usage du français,
celui-ci faisant par ailleurs l'objet de dispositions plus spécifiques.
B. PROMOUVOIR LA LANGUE FRANÇAISE
Considérant que la formation des fonctionnaires européens est un enjeu central
pour la place du français dans les institutions européennes, la proposition de résolution
approuve les actions de formation à la langue française à destination des fonctionnaires
des pays membres et candidats.
A cet égard, la proposition du rapporteur en faveur de la création d'un pôle
européen de formation initiale (préparation des concours assortie d'un système de
bourses) et continue, notamment dans le domaine linguistique, des fonctionnaires
européens (point 13), mérite particulièrement d'être soutenue. Localisé à Strasbourg, ce
projet, qui pourrait s'inscrire dans la réflexion en cours sur la constitution, dans cette
ville, d'un pôle européen d'administration publique, «
donnerait une meilleure visibilité
à une politique souvent trop morcelée », tout en contribuant à la stratégie de valorisation
de cette capitale européenne.
Rappelant l'exigence minimale contenue dans la circulaire du Premier ministre
du 14 février 2003 relative à l'emploi de la langue française par les fonctionnaires
français à l'étranger (point 11), la proposition de résolution insiste sur la nécessité de
mieux coordonner, dans une perspective interministérielle comme dans le cadre de la
réforme du ministère des affaires étrangères, les actions en faveur du français (point 12).
C. DÉVELOPPER L'APPRENTISSAGE DES LANGUES ÉTRANGERES DANS LES
SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS
Au delà du cadre strictement institutionnel, le plurilinguisme repose bien
évidemment sur l'enseignement des langues vivantes dans les systèmes scolaires des
pays membres, et plus précisément sur l'obligation d'en apprendre plusieurs, à l'instar
du dispositif existant en France notamment. A cet égard, et bien que ce domaine ne
relève pas de la compétence communautaire, la proposition de résolution recommande
que l'enseignement obligatoire de deux langues vivantes étrangères soit généralisé dans
les vingt-cinq pays qui constitueront prochainement l'Europe. Elle préconise également
le développement de l'apprentissage des nouvelles langues officielles de l'Union dans
les systèmes éducatifs européens (point 15).
Sans sous-estimer l'importance de la diversité de l'offre linguistique, il
convient néanmoins de souligner celle, au moins aussi cruciale, de la confrontation
précoce aux langues et cultures étrangères, et ce dès les premières années de l'école
primaire, ainsi que celle de l'enseignement bilingue de différentes matières. Telles sont
les conditions d'un plurilinguisme effectif dans l'Europe de demain.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission a examiné, sur le rapport de
Mme Juliana Rimane, la
proposition de résolution au cours de sa séance du 9 juillet 2003.
Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure.
M. Michel Herbillon, rapporteur de la délégation pour l'Union
européenne, a souligné l'importance du travail mené par la délégation qui, loin de se
borner à l'analyse du dispositif européen, a formulé des propositions concrètes en vue
de son amélioration. Il s'agit en effet non seulement de répondre au défi linguistique
que représente le nouvel élargissement mais aussi de promouvoir le français par une
démarche volontariste. Il serait souhaitable que le Président de la commission appuie
cette initiative en demandant l'organisation d'un débat en séance publique sur cette
proposition de résolution.
La commission est ensuite passée à l'examen des amendements.
La commission a
adopté quatre amendements rédactionnels présentés par la
rapporteure ainsi qu'un autre amendement du même auteur visant à corriger une erreur
matérielle.
Le président Jean-Michel Dubernard s'est déclaré favorable à l'inscription
de cette proposition à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale conformément aux
dispositions de l'article 151-3 du Règlement.
La commission a ensuite
adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.
****
En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de résolution
dont le texte suit.
PROPOSITION DE RESOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
SUR LA DIVERSITE LINGUISTIQUE DANS L'UNION EUROPÉENNE
Article unique
L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu l'avant-projet de budget (APB) général des Communautés européennes
pour l'exercice 2004. - introduction générale (n° E 2275 Annexe 1),
Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des
fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres
agents de ces Communautés (COM [2002] 213 final / n° E 2024],
Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil arrêtant un programme pluriannuel (2004-2006) pour l'intégration efficace des technologies de
l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation et de
formation en Europe (Programme eLearning) (COM [2002] 751 final / n° E 2182),
1. Affirme son attachement à la diversité linguistique et culturelle, que
consacre l'élargissement à dix nouveaux pays.
I.- En ce qui concerne la réforme du régime linguistique des institutions de
l'Union européenne :
2. Affirme le droit pour tout représentant du peuple de s'exprimer, en toutes
circonstances, dans sa langue maternelle et considère par conséquent que le régime
d'interprétation intégrale doit être maintenu au Conseil européen et lors des réunions
ministérielles du Conseil de l'Union.
3. Estime qu'il est vivement souhaitable de pérenniser les régimes linguistiques
PESC (anglais/français) et COREPER (anglais/français/allemand) sur lesquels il existe
un consensus fondé sur une pratique ancienne qui n'est pas contestée.
4. S'oppose à toute extension du nombre des réunions sans interprétation qui
favoriserait l'utilisation d'une seule langue, ce qui serait contraire au principe du
plurilinguisme européen.
5. Recommande que la recherche d'un compromis sur le régime linguistique
des réunions des groupes de travail du Conseil, autres que COREPER et PESC, se fonde
sur les principes de pluralisme linguistique, de souplesse de gestion et de répartition
équitable de la charge financière et estime que l'instauration d'un régime de marché ne
pourrait être soutenue qu'à ces conditions.
6. Estime que le régime asymétrique, qui permet à chacun de s'exprimer dans
sa langue maternelle tout en n'obtenant l'interprétation des débats que dans un nombre
limité de langues de travail, devrait faire l'objet d'une expérimentation puis d'une
évaluation qui permettrait d'envisager, sous réserve d'un consensus, la généralisation de
ce régime.
7. Suggère une harmonisation des régimes linguistiques des agences de l'Union
européenne et des organismes communautaires, fondée sur un nombre limité de langues
de travail.
II.- En ce qui concerne les atteintes au principe de plurilinguisme au sein de
l'Union européenne :
8. Rappelle que la publication d'appels d'offres et d'annonces de recrutement
dans la seule langue anglaise devrait être proscrite car contraire au principe de nondiscrimination
linguistique et considère qu'au minimum, ces publications devraient se
faire dans un nombre restreint de langues officielles.
9. Appelle à un signalement systématique des infractions linguistiques
commises par les institutions et organismes communautaires, en violation de leurs
obligations.
10. Propose que les sites internet des institutions et organismes
communautaires soient soumis au respect d'une " charte linguistique " prohibant
notamment la mise en ligne d'informations dans une seule langue, comme c'est
actuellement le cas sur le site de la Banque centrale européenne.
III. - En ce qui concerne la politique engagée en faveur du français dans les
institutions européennes :
11. Considère que la promotion de la langue française suppose en premier lieu
que les fonctionnaires français à l'étranger utilisent exclusivement leur propre langue,
comme l'exige la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 relative à l'emploi de
la langue française.
12. Estime que la promotion du français dans les institutions européennes
nécessiterait une meilleure coordination entre les services administratifs concernés, dans
une perspective interministérielle, et souhaite qu'une réforme du ministère des affaires
étrangères favorise les synergies possibles.
13. Se félicite des actions de formation en français des fonctionnaires des pays
membres et des pays candidats, qu'il faut encourager et soutenir financièrement. A cet
effet, la création, à Strasbourg, d'un pôle de préparation aux concours des institutions de
l'Union européenne, élargi à la formation continue des fonctionnaires européens, devrait
être expertisée par le Comité de pilotage chargé de définir une stratégie de long terme
pour la valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne.
14. Demande à la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union
européenne d'effectuer un suivi annuel de l'évolution des pratiques linguistiques dans
les institutions européennes.
IV. - En ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères :
15. Recommande que l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères
devienne la norme dans l'Union européenne élargie, tandis que l'apprentissage des
nouvelles langues de l'Union devrait être favorisé dans les systèmes éducatifs
européens.
V. - En ce qui concerne la réforme du statut des fonctionnaires européens et
l'organisation des concours de recrutement :
16. Se félicite du compromis obtenu le 19 mai 2003 qui prévoit que les
fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour être
promus au grade immédiatement supérieur au grade d'entrée en fonction, apporter la
preuve de leur maîtrise de deux langues étrangères outre leur langue maternelle.
17. Demande au gouvernement de veiller à ce que la Commission européenne
inscrive cette disposition dans la proposition modifiée de réforme du statut qu'elle
présentera à l'automne, et prévoie une procédure d'évaluation des compétences
linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de transparence.
18. Réserve son examen sur les autres dispositions de la réforme du statut des
fonctionnaires européens, dans l'attente d'informations complémentaires.
19. Propose que l'organisation en trois langues de tests de présélection pour le
recrutement de fonctionnaires issus des futurs Etats membres soit étendue, à titre
expérimental, à l'ensemble des concours organisés par l'Union européenne.
N° 1020 - Rapport sur la propostiion de résolution sur la diversité linguistique dans l'Union
européenne (Mme Juliana Rimane)
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