Sous la pression de Bruxelles, la loi qui impose l'étiquetage en français des denrées alimentaires va disparaître. La porte ouverte à des étiquettes totalement incompréhensibles pour les consommateurs.
Bienvenue aux «
chicken wings »(ailes de poulet en anglais) et autres
«
patatas bravas » (pommes sautées en espagnol). À court terme, le consommateur français risque de ne plus reconnaître les produits au rayon frais.
La Commission européenne a demandé, samedi, à la France de cesser d'imposer l'étiquetage en français des denrées alimentaires. Bruxelles considère que la législation nationale va à l'encontre de la réglementation européenne. En cause: la loi Toubon de 1994 qui proscrit l'usage exclusif de l'anglais dans les publicités et sur les produits.
La Commission, qui s'appuie sur un arrêt de la Cour européenne de justice, rendu en septembre 2000, considère désormais qu'un pays membre ne peut imposer une langue sur les emballages vendus sur son territoire. La Commission européenne juge que les dispositions françaises constituent «
une limite a la libre circulation des biens » et restreignent, de fait, les importations.
En conséquence, une procédure d'infraction a été lancée contre Paris. Sous la pression, le gouvernement Raffarin a annoncé son intention de réviser la législation.
A terme, la mesure devrait être étendue à tous les biens de consommation. Concrètement, ce bouleversement risque de transformer les supermarchés en auberges espagnoles. Rien n'interdira à un fabricant d'engrais allemand de vendre ses produits avec des dosages dans la langue de Goethe.
Plus inquiétant, cette mesure touchera également les notices des médicaments, les teneurs en organisme génétiquement modifié (OGM) ou les restrictions d'âge. Dans la jungle qui s'annonce, seuls les polyglottes auront une chance de s'en sortir.
Hégémonie de l'anglais
Et le français dans tout ça? Les interrogations traditionnelles sur l'avenir de notre langue ressurgissent en toile de fond de ce débat commercial. Les défenseurs du français accusent Bruxelles de baisser pavillon devant les Anglo-Saxons sur un dossier sensible. Domaines de prédilection de l'anglais, le marketing et la publicité vont sans doute laisser bien peu de place aux autres langues européennes.
Une situation de fait que la France tente d'éviter. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat au Commerce, a annoncé, hier, qu'il allait proposer un décret imposant l'étiquetage en plusieurs langues: en français et dans une ou plusieurs langues étrangères.