Défense de la langue française   
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Lettre ouverte à
Mesdames et Messieurs les Députés


Nice, le 20 février 2006

NON À LA RATIFICATION DE L'ACCORD DE LONDRES
portant sur la réforme du régime linguistique des brevets européens

Madame, Monsieur le Député,

L’Association des professionnels de la traduction des brevets d’invention (APROBI), après s’être opposée à la signature du protocole de Londres par la France, en 2001, vous demande de ne pas ratifier l'Accord de Londres du 17 octobre 2000.

Nous nous félicitons du projet de loi de programme pour la recherche (n° 2784), adopté en première lecture par le Sénat, mais nous dénonçons la manœuvre du député Jean-Michel FOURGOUS, rapporteur pour avis, qui a amendé le texte adopté par le Sénat en y insérant subrepticement un article additionnel après l'article 5, vous demandant de ratifier cet accord. Nous regrettons vivement que la Commission des finances de l'Assemblée nationale ait adopté cet amendement.

Dans le document législatif n° 2837, M. Fourgous expose ses motifs et tente vainement de justifier le bien-fondé de la ratification de l'Accord de Londres.

Cet amendement a été adopté sans que les professionnels de la traduction des brevets (traducteurs et conseils en propriété industrielle), qui, eux, savent ce qu'est un brevet, aient été consultés. L'Assemblée nationale cèdera-t-elle à la pression de quelques multinationales pour enterrer le français technique et scientifique ?

Le rapporteur prétend vouloir accroître le nombre de brevets déposés par les PME françaises en renonçant à leur traduction obligatoire en français. Quelle naïveté de croire que les dirigeants de PME-PMI maîtrisent ce qui est parfois un charabia d'anglais technique et scientifique, et qu'ils maîtrisent tous l'allemand, pour pouvoir faire de la veille technologique ! La conséquence d'une telle ratification serait un raz-de-marée de brevets américains, japonais et chinois, tous rédigés en anglais, qui ne seraient plus traduits en français, sinon aux frais des entreprises françaises, et non aux frais du déposant, ce qui affaiblirait davantage encore nos entreprises.

Notre langue est un atout économique qui n'a pas de prix et qui ne se marchande pas. Y renoncer face à des brevets d'invention rédigés dans une langue étrangère, c'est se démunir.

L'APROBI dénonce les mensonges qu'on peut lire dans la conclusion de l'argumentation de M. Fourgous :

"L'obligation générale de traduction existant actuellement ne présente aucun avantage pour notre pays, ni sur le plan du rayonnement culturel, ni sur le plan scientifique, technique ou même juridique. Le rayonnement de la langue française sera mieux assuré par un système où les brevets rédigés en français seront disponibles dans leur langue d'origine auprès de 160 millions d'européens plutôt que par la traduction de brevets étrangers pour le seul usage des citoyens français, comme c'est le cas aujourd'hui."

Sans la traduction obligatoire des brevets en français :

- les entreprises françaises qui voudront protéger leurs inventions aux États-Unis, au Japon ou en Chine auront tout intérêt à rédiger leurs brevets en anglais (et certaines le font déjà).

- Comment peut-on oser prétendre que l'Accord de Londres assurera mieux le rayonnement de la langue française ? C'est précisément parce que les brevets étrangers, essentiellement en anglais, sont traduits en français avec le système actuel que la langue française s'enrichit de mots nouveaux. C'est le rôle des traducteurs et des commissions de terminologie d'enrichir notre langue dans ce domaine.

Les professionnels de l'APROBI savent parfaitement de quoi ils parlent, car la traduction des brevets est leur travail quotidien. Les mots nouveaux qui sont créés ne sont pas dans les revendications mais dans la partie descriptive d'un brevet, description qui ne serait plus traduite en français si vous adoptez ce texte en l'état.

RATIFIER L'ACCORD DE LONDRES, C'EST ACCEPTER LA STRUCTURATION DE LA PENSÉE AVEC DES MOTS NOUVEAUX EXCLUSIVEMENT ANGLO-AMÉRICAINS.

- Comment peut-on oser écrire que "la traduction de brevets étrangers [est] pour le seul usage des citoyens français" ? Quel dédain à l'égard des francophones du monde entier et de la Francophonie défendue par notre président de la République et par notre gouvernement !

RATIFIER L'ACCORD DE LONDRES, C'EST TUER LA LANGUE FRANÇAISE EN MATIÈRE DE BREVETS D'INVENTION ET RENONCER À SON ENRICHISSEMENT.

RATIFIER L'ACCORD DE LONDRES, C'EST ACCEPTER LE TOUT-ANGLAIS EN FRANCE ET FAIRE DE L'ANGLAIS LA LANGUE DE TRAVAIL ET DU DROIT AVEC DES BREVETS ÉTRANGERS NON TRADUITS.

Nous ne pouvons pas imaginer que la représentation nationale s'engagera dans cette voie.

Au nom du peuple français que vous représentez, au nom de la diversité culturelle et linguistique, tant défendue par notre pays et par nos responsables politiques, et pour l'avenir de notre langue,

l'APROBI vous demande solennellement de voter en votre âme et conscience et de ne pas ratifier l'Accord de Londres en vous opposant fermement à l'article additionnel après l'article 5 du projet de loi de programme pour la recherche.

Nous vous demandons de retirer cet article additionnel. Nous n'aurons pas la parole pendant votre débat, le 28 février 2006, mais nous comptons sur vous.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur le Député, l’expression de notre haute considération.

pour l’APROBI

Alain PATRY président Romain BERNARD vice-président

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