Défense de la langue française   
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Le français au ban de la finance
(La Croix ) lundi 29 juillet
Marc Favre d'Échallens
Administrateur de défense de langue française

LIBRE OPINION
L'anglais va se développer comme langue officielle et supérieure de la communication financière et juridique en France.


     Le 6 avril 2002, le Journal officiel a publié le nouveau règlement (règlement n° 2002-03) de la Commission des opérations de Bourse (COB) autorisant l'emploi « d'une langue usuelle en matière financière » (comprendre l'anglais) dans certaines opérations boursières.
     Ce règlement est la suite de la décision du 6 décembre 2001 du Conseil constitutionnel validant la dispense d'information intégrale en français, notamment lors de l'émission d'instruments financiers avec appel public à l'épargne, seul un résumé en français est obligatoire (art. 27 de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, Murcef). La COB a, dans une instruction du 8 avril 2002, précisé les modalités de mise en œuvre du résumé en français.
     Cette complaisance au profit de l'anglais concerne l'offre au public d'instruments financiers (règlement 98-08), mais également l'information à diffuser à l'occasion d'opérations réalisées sur le nouveau marché (règlement 95-01), et enfin l'émission d'emprunts obligataires sans appel public à l'épargne (règlement 98-01). Ainsi, au delà des modalités particulières du résumé en français, est autorisée la diffusion, auprès d'un public français d'investisseurs, en anglais, dans des conditions certes réglementées, de documents financiers avec un simple résumé en langue française. Une alouette française et un cheval usuel anglais constituent, contre toute attente, un pâté d'alouette de bonne facture et d'appellation française ! Le miroir aux alouettes et la facture seront pour les investisseurs francophones qui sont de toute évidence discriminés.
     Le Conseil constitutionnel n'ayant pas cru devoir constater le viol de l'article 2 de la Constitution « La langue de la République est le français », les conséquences de cet abandon linguistique sont rapidement apparues, à savoir : propagation de l'anglais comme langue officielle et supérieure de la communication financière mais également juridique en France.
     En effet, en cas de contestation ou de litige, l'investisseur lésé ou croyant l'être devra faire procéder à ses frais à une traduction ! L'investisseur francophone en France est désavantagé, mais les bons esprits nous font déjà savoir que l'on ne saurait être un investisseur sérieux sans être anglophone sinon de naissance du moins de (re)connaissance, même si persistent encore quelques petites et sans doute temporaires restrictions (le résumé en français).
     Le Conseil constitutionnel ayant justifié sa décision du 6 décembre 2001 par l'existence d'engagements communautaires de la France et de pratiques ayant cours au sein des marchés " restait pour les plus candides à vérifier la validité de cette anglophonisation à la lumière de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 si souvent invoquée.
     Non, de même que la Constitution, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen doit plier devant les « enseignements communautaires de la France et des pratiques ayant cours au sein des marchés ».
     Le Conseil a précisé dans son « considérant » n° 19 que « l'article 11 de la Déclaration de 1789 ne saurait être invoqué s'agissant de l'information des investisseurs sur les opérations d'appel public à l'épargne ». Le Conseil a fait bref ici. Circulez, il n'y a rien à voir !
     L'article 11, « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », mis en avant par les parlementaires opposés à cette dérive linguistique n'est pas opérant. Les engagements communautaires et de vagues pratiques financières font que le citoyen français ne peut pas concourir dans sa langue à l'économie de marché, économie que l'on présente comme l'alpha et l'oméga de la modernité.
     Mais l'on peut, d'ores et déjà, tirer des motifs de la décision du Conseil que la langue française ne servira plus, en pratique, dans les opérations boursières et financières que comme langue subsidiaire et accessoire. Une autre conséquence surgit, baroque celle-là, pour une catégorie de personnes : l'investisseur francophone ! La nature spécifique de cet individu peut être résumée par le syllogisme suivant : Tous les hommes jouissent des droits de l'homme donc l'investisseur francophone n'est pas un homme !
     Les investisseurs devront surmonter leur nouvelle condition de paria du monde financier. Quant aux francophones, ils devront agir et s'unir pour que le français continue d'exprimer le monde moderne, la science, l'économie, l'avant-garde, l'avenir en somme !

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