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Francophonie et langues régionales
PRIORITÉ AUX LANGUES NATIONALES

Deux sujets d'actualité se sont récemment télescopés : le sommet de la Francophonie tenu au Nouveau-Brunswick - et le différend qui persiste entre Français sur les langues régionales. Quel rapport entre les deux, sinon que le premier engrangea des fruits plus théoriques que pratiques et que le second risque de n'en produire aucun, du moins qui soit utile à notre langue ?

Chez ceux que guide le bon sens et non l'idéologie, une voie moyenne se fait jour à propos des langues régionales : oui au droit pour chacun de parler le langage de son choix à qui le partage, oui à certaines aides à l'enseignement et à l'édition, permettant de ne pas s'éteindre de mort naturelle à ceux des parlers régionaux qui sont porteurs de valeurs culturelles enrichissantes - non à un usage des dialectes et des « langues minoritaires » dans l'administration ou les tribunaux, qui ferait reculer l'unité française de 460 ans, avant l'édit de Villers-Cotterêts. Une attitude de sagesse qui n'est pas acceptée par tous.

Entre les exigences d'une diversité mondiale et les revendications démagogiques d'un pluralisme interne qui tournerait au grotesque (traduire le Code Civil en huit langues ! ) le public tend à s'y perdre. - Et, ce qui est plus grave, à développer une indifférence quant aux enjeux linguistiques et au sort du français dans le monde, qui scandalise nos partenaires francophones de l'étranger et qui ouvre complaisamment la voie à une hégémonie anglo-saxonne.

Un troisième élément vint troubler les esprits au début de l'été : la tentative faite par la présidence finlandaise de l'Union européenne d'enlever à l'allemand le rôle de troisième langue de travail qu'il avait précédemment acquis. D'où une mauvaise humeur provoquée chez nos voisins d'outre-Rhin par cette maladresse, réparée entre temps.

UNE ALLIANCE DE LANGUES

L'intérêt de la France est-il de regarder l'allemand comme un concurrent du français, ou au contraire comme un allié potentiel ? Ne vaut-il pas mieux que les 90 millions de germanophones, au centre de l'Europe, reprennent foi en leur langue après une longue éclipse, plutôt que de basculer en bloc vers l'américain ? Encore faut-il que les Français donnent l'exemple de croire en leur propre langage.

Si le tête-à-tête du français - à l'origine seule langue de travail à Bruxelles - et d'un anglo-américain en faveur duquel la Grande-Bretagne n'est que le cheval de Troie des Etats-Unis dans l'Europe, n'a rien donné de bon jusqu'ici, c'est avant tout à cause d'un climat de démission d'une grande partie de nos responsables.

Un trilinguisme, voire un quadrilinguisme avec l'espagnol, offrirait-il plus de chances pour l'avenir ? Sans doute - si les principaux partenaires le veulent et organisent entre eux des échanges prioritaires, comme il serait naturel que le fassent Français et Allemands, premiers clients et premiers fournisseurs les uns des autres.

Á cet égard les récents propos du Président Chirac en vue d'un « forum francophone des affaires » rappellent opportunément la comptabilité, voire le lien trop longtemps négligé, entre économie et culture.

La lutte pour la langue est globale. Elle rejette aussi bien l'arrogance culturelle assortie d'un mépris de la fonction commerciale et des langues étrangères, qui avait cours avant-hier et étranglait nos parts de marché - et la soumission aveugle, tournant au masochisme, vis-à-vis de la seule langue vraiment dominatrice dans le monde d'aujourd'hui.

Un français appuyé sur 200 millions de francophones réels n'a aucun complexe à nourrir et contribuera efficacement à préserver une diversité dont le monde a soif. Mais sauver cette diversité n'implique pas de se pencher au chevet du patois bressan. Il faut sauver ce qui est essentiel en s'appuyant sur les langues nationales.

L'Europe a un besoin vital de langues nationales solides : non seulement le français, mais aussi certaines langues de nos voisins proches, des langues qui soient sûres d'elles-mêmes, fécondes, rayonnantes.

Nécessaire contrepoids à la langue du dollar.

Philippe LALANNE-BERDOUTICQ
écrivain
administrateur de Défense de la langue française

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