Défense de la langue française   
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •
SUR UN PROJET D'ABANDON DE LA TRADUCTION EN
LANGUE FRANÇAISE DES BREVETS EUROPÉENS

Alain LE TARNEC

En octobre 2000, s'est tenue à Londres une conférence dont l'objet était d'apporter certaines modifications à la Convention de Munich de 1973 qui institua le brevet européen.
Il s'agissait de mettre au point et de faire signer un protocole prévoyant que les brevets européens, déposés, pour un bon nombre d'ente eux, en langue anglaise, seront opposables aux tiers sans traduction préalable dans la langue de chaque pays signataire, c'est-à-dire, dans le cas de brevets européens désignant la France, sans traduction préalable en langue française.

À Londres, le gouvernement français s'est provisoirement abstenu de signer ce texte, se réservant la faculté de se concerter avec toutes les parties intéressées, avant de prendre une décision définitive qui doit intervenir, au plus tard, à la fin de juin 2001.
La Compagnie nationale des Conseils en Propriété Industrielle (C.N.C.P.I.) et l'Association des Conseils en Propriété Industrielle (A.C.P.I.), consultées parmi d'autres institutions ont, en avril 2001, déposé auprès des autorités compétentes un mémorandum aux termes duquel elles développent les raisons pour lesquelles le gouvernement français devrait s'abstenir de signer un tel document, tout en lui recommandant de s'orienter vers d'autres solutions.

De leur côté, le Conseil supérieur de la Propreté Industrielle a, sous la présidence de M. Jean Foyer, émis un avis défavorable et l'Académie des Sciences Morales et Politiques en a fait autant.

Dans leur mémorandum très savamment articulé, extrêmement motivé et parfaitement convaincant, la C.N.C.P.I. et l'A.C.P.I. commencent par réfuter les arguments avancés en faveur de la suppression des traductions de brevets européens qu'imposerait, paraît-il, le souci de réduire les coûts. Ainsi mettent-elles l'accent sur le caractère théorique de ces arguments en leur opposant des faits irréfutables et les données de l'expérience.

Elles mettent en relief, non seulement le déséquilibre qui s'établirait inéluctablement au profit des multinationales anglo-saxonnes, principalement américaines, mais aussi un certain nombre d'effets qu'elles qualifient de secondaires, mais néanmoins d'une extrême importance, à savoir : notamment l'abandon de la Francophonie, la dégradation programmée de la balance européenne des brevets, le cadeau de la Propriété Industrielle Européenne à l'Industrie anglo-saxonne du droit, etc.

L'accent est, d'autre part, mis sur l'insécurité juridique qui découlerait pour les tiers d'une absence de traduction préalable à la délivrance du brevet. Lorsqu'en effet, on connaît par l'expérience les discussions qui s'élèvent très souvent, dans les négociations ou dans les procès, sur le sens exact des expressions, des formules ou des mots, on sait bien que la version amiablement réalisée et produite au cours des débats ne concorde pas toujours avec le texte original. Et si, comme certains le proposent, l'on confie à l'État la mission de traducteur, on ajoute à l'insécurité juridique « l'aberration économique ».

De surcroît, on peut observer qu'une décision gouvernementale de renonciation à l'obligation d'une traduction préalable à la délivrance du brevet Européen risquerait fort d'être déclarée contraire à la Constitution qui, dans son article 2, édicte la règle selon laquelle : « la langue de la République est le français ».

Par ailleurs, la C.N.C.P.I. et l'A.C.P.I. expliquent clairement qu'il ne peut exister et qu'il n'existe strictement aucun inconvénient pour la France à refuser de signer le protocole de Londres.

Bien au contraire, il est parfaitement clair que la signature de la France signifierait manifestement sa renonciation à défendre sa langue qui, faut-il le rappeler, est une des trois langues officielles de l'Office Européen des Brevets à côté de l'allemand et de l'anglais, solution qui n'a jamais été remise en question, soit lors de la Conférence de Londres, soit au cours de la procédure de révision de la Convention sur le Brevet Européen en novembre 2000.

Enfin, la France ne serait pas seule à renoncer à signer le protocole en question. Elle s'honorerait à se comporter à l'exemple de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal qui, préoccupés de la sécurité de leurs ressortissants, conscients de l'importance de la langue dans l'élaboration de concepts et soucieux de ne pas encourager la tendance hégémonique du droit anglo-saxon, ont déjà fait savoir définitivement qu'ils ne le signeront pas.

Il faut souhaiter que le gouvernement français ait la volonté politique de se comporter à l'image de ces trois États.

Le long mémorandum de la C.N.C.P.I. et de l'A.C.P.I. ne peut, malgré son très grand intérêt, être intégralement publié à défaut de place. Mais, vu l'urgence, le lecteur trouvera ci-dessous le sommaire de leurs recommandations, tel qu'elles l'ont, elles-mêmes, établi concernant la décision à adopter en présence du projet de protocole sur la question de la traduction des brevets européens.

RÉSUMÉ DE CES RECOMMANDATIONS :

1. LA C.N.C.P.I. ET L'A.C.P.I. DEMANDENT AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS DE NA PAS SIGNER LE PROTOCOLE DE LONDRES ET RECOMMANDENT D'AUTRES SOLUTIONS.

Sous prétexte de réduire le coût des brevets, le gouvernement français risque de signer le protocole de Londres imposant l'abandon des traductions des brevets européens. La Compagnie nationale des Conseils en Propriété Industrielle (C.N.C.P.I.) et l'Association des Conseils en Propriété Industrielle (A.C.P.I.) engagent le gouvernement français à l'issue de la période de concertation qui se terminera en juin 2001, à ne pas signer ce protocole, qui s'avérerait être un remède pire que le mal, et proposent des solutions à cette réforme.

Le protocole de Londres : un abandon pur et simple du français au profit de l'anglais.
À l'heure actuelle, le brevet européen ne produit, dès sa délivrance par l'Office Européen des Brevets, des effets dans l'ensemble des pays désignés, que s'il est validé dans chaque pays concerné. Cette validation est accordée au breveté sous réserve de fournir une traduction des textes complets du brevet dans la langue nationale. Autrement dit, les États exigent du déposant qu'il fournisse la traduction de son brevet, s'il n'est pas rédigé dans leur langue nationale, à leur service de propriété industrielle (en France, l'Institut Nationale de la Propriété Industrielle-I.N.P.I.).

Le protocole de Londres prévoit que les brevets européens, déposés pour l'essentiel en langue anglaise, seront opposables aux tiers sans traduction préalable dans la langue de chaque pays signataire. « Tout État partie au présent accord ayant une langue officielle (anglais, allemand, français) en commun avec l'Office Européen des Brevets renonce aux exigences en matière de traduction... » Il s'agit là d'un abandon pur et simple du français et de toutes les langues nationales au profit de l'anglais, car les plus gros déposants, américains et japonais, déposent déjà leur brevet dans cette langue.

Le gouvernement préfère faire payer les traductions par le contribuable.
Au cas où il signerait, le gouvernement propose de faire procéder à des traductions partielles financées sur fonds publics, sous la maîtrise d'ouvrages de l'Institut National de la Propriété Industrielle (I.N.P.I.) pour pallier l'absence de celles des déposants étrangers. En d'autres termes, le gouvernement préfère ainsi faire payer les traductions au contribuable, alors qu'en toute logique c'est au bénéficiaire des droits donc au déposant que cette tâche devrait incomber.

Les solutions pour sortir de l'impasse diplomatique
La C.N.C.P.I. est tout à fait consciente que le brevet européen doit être réformé ; mais, elle estime que le protocole de Londres n'est pas la bonne solution. Le gouvernement a engagé une consultation sur le sujet, qui s'achèvera en juin 2001. La C.N.C.P.I. estime que la France ne doit pas signer ce texte et propose d'autres solutions :
Attendre le brevet communautaire : dans le cadre de la construction européenne en matière de propriété industrielle, le brevet communautaire verra bientôt le jour. Ce brevet permettra d'obtenir la délivrance par l'Office Européen des Brevets d'un brevet unitaire pour les pays de l'Union européenne. La Commission européenne a lancé ses consultations sur le projet de règlement du brevet communautaire ; elle abordera également les questions de traduction de ce brevet. La C.N.C.P.I. recommande donc de reporter le débat sur la question des traductions dans le cadre des discussions sur le projet de règlement communautaire prévue dans les prochains mois. Le gros avantage d'attendre est que la décision sera prise dans un processus européen démocratique incluant tous les États membres, alors que le protocole de Londres ne concerne que les États de l'Europe du Nord (à l'initiative de la France).

Une solution de repli : laisser signer les États qui le souhaitent, sans la France : le gouvernement français, qui est à l'origine de la réforme du système de traduction, se sent obligé de signer ce protocole. En effet, l'article 6 du texte prévoit que le protocole ne peut entrer en vigueur si un des trois États (dont la France), dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens ont pris effet en 1999 ne le ratifie pas. La C.N.C.P.I. ne souhaite pas empêcher les États désireux de signer ce protocole de le faire. Pour éviter que la France soit obligée de signer ce protocole, il convient simplement de supprimer cette motion évoquant les trois États.

Le compromis raisonnable oublié : la traduction « signifiante » : Si le gouvernement souhaite véritablement alléger le coût des traductions, une autre solution existe en dehors du protocole de Londres celle que le gouvernement a retenue en 1999 sur proposition de la C.N.C.P.I. Elle consisterait à réduire de 50% les coûts de traductions en réduisant celles-ci à la partie signifiante de la description du brevet. Il permettrait d'éclairer les revendications et de rendre l'invention, souvent très complexe, intelligible aux non-anglophones.

Étendre la concertation annoncée aux questions de fond touchant la politique française globale en matière de propriété industrielle : le vrai problème n'est pas celui de la traduction, mais celui du coût des brevets. Le gouvernement souhaite supprimer la traduction pour baisser le coût de brevets.

2. NOUS NE SOMMES PAS LES SEULS EUROPÉENS A DIRE « NON A L'AMÉRICANISATION » DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE ET DU MODÈLE SOCIAL EUROPÉEN

Accepter le protocole de Londres reviendrait à abdiquer devant l'expansionnisme linguistique et culturel des États-Unis.

Le français, langue internationale dans le domaine de la technologie
Le français n'est pas une langue morte en matière de technologie ; bien au contraire, il a gardé toute sa vitalité, et reste la langue conceptuelle dans le domaine technologique. Il représente ainsi 70 à 80 % de l'information technologique disponibles dans les bases de données françaises.

Signer le protocole de Londres bouleverserait complètement non seulement la propriété industrielle mais aussi la mise à disposition des connaissances technologiques dans des bases de données francophones. Cette américanisation influera en effet à terme sur le contenu même de la propriété industrielle, ses concepts et ses raisonnements, ses règles juridiques et judiciaires, reléguant les autres langues au rang de langues mortes à la technologie. La propriété industrielle mondiale devra se conformer au mode de pensée américain. Le gouvernement français renoncerait-il par là même au rayonnement de la francophonie de par le monde ?

La France n'est pas seule à refuser cette américanisation
La France ne sera pas la seule à refuser de signer ce protocole. D'ores et déjà des pays comme l'Espagne, l'Italie et le Portugal ont annoncé qu'ils refusaient ce diktat anglo-saxon. Ces pays sont résolus à imposer leur propre langue sur leur propre territoire. La France peut donc refuser de signer ce texte, sans craindre d'être isolée sur la scène internationale.

Les États-Unis, champions du protectionnisme en matière de propriété industrielle
Les États-Unis souhaitent simplifier les règles de la propriété industrielle à l'extérieur de chez eux ; mais, ils ne le font pas sur leur sol. Au contraire, ils érigent de plus en plus de barrières pour maintenir leur expansionnisme tout en restant protectionnistes à l'intérieur de leur frontière. Ainsi, leur souhait d'imposer l'anglais aux autres États est clairement et depuis longtemps affirmé. L'American Intellectuel Property Association (A.I.P.L.A.), qui regroupe près de 10 000 avocats et spécialistes est un remarquable outil d'influence et cherche à réduire les coûts des brevets à l'étranger et à imposer la langue anglaise sans modifier leurs propres particularismes (voir annexe 1). Dans un rapport en 1996, elle affirme : « The time is coming to accept officially that English language may be the most viable intellectual property language internationally. » Par ailleurs, le 29 novembre 2000, une loi est entrée en vigueur aux États-Unis qui prévoit que les dépôts internationaux publiés désigant les États-Unis ne pourront conférer une protection provisoire sur le territoire américain que s'ils sont rédigés en anglais, dans leur intégralité.

La fin annoncée des spécialistes français en matière de propriété industrielle
Si le protocole d'accord est signé, les entreprises auront tout intérêt à effectuer leur premier dépôt de brevet en anglais. Elles auront donc recours à des spécialistes de langue maternelle anglaise plutôt qu'à des spécialistes français. C'est la fin non seulement d'une profession, mais également de la notion de propriété industrielle française que maintiennent à l'heure actuelle ces spécialistes.

3. LA QUESTION DU COÛT DE LA TRADUCTION : UN FAUX PROBLÈME

Pour justifier la mise en place de ce protocole de Londres, ses partisans affirment que la baisse du nombre relatif de brevets européens vient du coût de son dépôt. Dans ces circonstances, baisser le coût permettrait de décupler le nombre de brevets européens déposés.

La traduction, une faible part du coût total du brevet
Le protocole d'accord cherche à faire croire que le problème du coût du brevet vient du problème du coût de la traduction ; autrement dit, en supprimant la traduction, on supprimerait le problème. Toutes les études le prouvent : la traduction représente environ 12% du coût d'un brevet. Ainsi, l'Office Européen des brevets chiffre les coûts de validation des brevets, y compris les coûts de traduction à 12% du total environ. La C.N.C.P.I. a également procédé à des évaluations. Pour un brevet lourd de 3 000 mots couvrant 6 pays avec 6 traductions, elle estime le coût à 11% du prix de revient du brevet.

Le problème est celui du dépôt français
Si le nombre de brevets français parmi les brevets européens diminuent, ce n'est pas dû à un quelconque problème de traduction, mais à la baisse du nombre de brevets déposés par des Français en France. En effet, plus le nombre de brevets déposés par des français est faible, plus le nombre de déposants à postuler pour obtenir le statut de brevet européen est faible également. Pour enrayer cette chute, il convient de s'attaquer à la base du problème, et donc de stopper la baisse du nombre de brevets déposés par des Français. Ainsi, en 1995,12595 dépôts de brevets de résidents français ont été enregistrés, alors que les non-résidents en ont déposés en France 73626.

Un obstacle d'ordre culturel avant tout
En fait, la propension à déposer un brevet est à la base un phénomène culturel, d'éducation, plus qu'une simple affaire de coût. Par conséquent, la fin des traductions ne changera pas les choses bien au contraire. Les entreprises habituées à déposer continueront de le faire. Si cet avantage concerne les entreprises européennes, il concerne tout autant sinon plus les entreprises américaines et japonaises qui, à dépôts inchangés, le feront à moindre coût ou à dépense égale, en déposeront plus.

Les P.M.E. qui sont déjà réticentes à la propriété industrielle, car mal informées sur le sujet, verront dans cette barrière linguistique et culturelle une raison de plus de ne pas déposer de brevets.

Le vrai problème : le système judiciaire français
Une étude réalisée à la demande du secrétariat d'État à l'industrie, par Me Grégoire Triet, intitulée « Propriété industrielle : le coût des litiges », désigne la véritable cause du malaise de la propriété industrielle française. 100% des entreprises françaises se déclarent insatisfaites de la réparation de leur préjudice en matière de brevet. La durée des procédures et une approche purement juridique des problèmes, quand les tribunaux étrangers prennent en compte également la réalité économique, sont de lourds handicaps pour la propriété industrielle française : ce qui explique pourquoi les juridictions françaises sont délaissées. Le coût est totalement hors de cause.

Le gouvernement, s'il souhaite aider les entreprises françaises en matière de compétitivité économique face à l'étranger, devrait plutôt régler ce problème. Trois voies d'amélioration sont possibles : améliorer notre droit de réparation, rendre conforme à la réalité économique le remboursement des frais de procédure et renforcer l'efficacité de la décision de justice.

Il s'agit de construire une véritable politique industrielle française et non pas de s'attaquer à des éléments épars.

Tout le monde est à égalité
Européens et non-européens sont aujourd'hui égaux devant le coût du brevet européen : même s'il reste élevé, il est identique pour toutes les entreprises. La baisse des coûts observée depuis 20 ans ne semble pas stimuler les dépôts de brevets françaises. En revanche, les dépôts de brevets européens en langue anglaise par les Japonais et surtout les Américains sont en forte progression. L'actuel projet reviendrait à ouvrir toutes grandes les portes de l'Europe.

Quand les Français déposent une demande de brevet, les Anglais en déposent un et demi, les Allemands trois et demi, les Américains dix et les Japonais trente.

4. UN REMÈDE PIRE QUE LE MAL POUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

Une carte blanche donnée au déferlements des brevets américains en Europe
Le protocole de Londres prétend vouloir résoudre la baisse du dépôt de brevets européens, en réduisant le coût de ce dépôt. Abandonner la traduction risque au contraire de faciliter le dépôt des brevets américains en France, car les entreprises de cette nationalité n'auront plus à traduire leur texte.

Des discriminations pour les entreprises françaises
Si les brevets déposés en anglais ou en allemand ne sont plus obligatoirement traduits en français, les P.M.E. ne pourront plus assurer une veille technologique satisfaisante dans leur domaine. En effet, très peu d'entre elles n'ont pas de service interne dédié à la propriété industrielle maîtrisant l'anglais et l'allemand techniques. Elles devront alors assumer les frais de traduction supportés auparavant par les brevetés étrangers. Comment les partisans du protocole de Londres peuvent-ils soutenir que ce texte joue en faveur de la compétitivité des entreprises françaises ?

La porte ouverte à d'autres renoncements
De plus, si le gouvernement renonce à la traduction des brevets, bientôt, la France pourra être obligée de renoncer à la traduction des notices des équipements : ce protocole est le premier d'une série de renoncements, qui nuiront aux entreprises françaises. Surtout, par l'imposition de la langue anglaise comme langue conceptuelle du droit, on provoque la fragilisation irréversible du système juridique de l'Europe continentale (système romano-germanique).

Aucun inconvénient pour la France à ne pas signer le protocole
Les partisans du protocole de Londres estiment que la situation actuelle est un frein à la propriété industrielle française. La C.N.C.P.I. estime au contraire que le système qui est en place à l'heure actuelle en matière de traduction, n'est pas du tout problématique pour l'économie française.
Tout d'abord, la situation actuelle en France en matière de traduction industrielle n'est nullement handicapante pour les entreprises françaises. Dans notre pays, exiger que les brevets soient traduits en français ne désavantage nullement nos entreprises nationales ; au contraire elle est une juste contrepartie des monopoles octroyés aux étrangers. Si la traduction obligatoire en français disparaissait, ce serait là octroyer un avantage considérable aux pays qui déposent déjà le plus de brevets dans notre pays, en anglais, à savoir les États-Unis et le Japon.
Par ailleurs, la situation actuelle n'est pas non plus handicapante pour la France à l'échelle européenne. En effet, à territoire couvert égal, tout breveté doit traduire son texte dans le même nombre de langues étrangères, quelle que soit sa langue de départ.
5. L'APPLICATION DU PROTOCOLE DE LONDRES MENACÉE D'INCONSTITUTIONNALITÉ

Le gouvernement, s'il signe, risque de voir l'application du protocole de Londres frappée d'inconstitutionnalité. Deux organismes, parmi les plus importants dans le domaine de la propriété industrielle, ont déjà annoncé leur opposition à ce projet.

Le Conseil supérieur de la propriété industrielle a émis un avis défavorable
Présidé par Jean Foyer, ancien Garde des Sceaux et professeur de droit réputé en matière de propriété industrielle, le Conseil supérieur de la propriété industrielle a discuté ce projet lors de sa réunion du 21 juin 2000. Il a émis un avis défavorable. Le Conseil supérieur de la propriété industrielle est un organisme consultatif qui dépend du ministre de l'Industrie. Cet organisme est reconnu pour la compétence de ses membres et son autorité morale.

L'Académie des Sciences morales et politiques estime que ce protocole est contraire à la Constitution
Le 14 juin 2000, l'Académie des Sciences morales et politiques a exprimé le souhait, dans un vœu argumenté, que le législateur français maintienne l'obligation de traduction prévue à l'article 65 C.B.E. l'Académie a précisé que « la modification ne lui semble pas indispensable ». Elle affirme que s'il s'agit de régler le problème des coûts de traduction, il existe d'autres solutions. Ainsi, elle termine en disant « qu'il est raisonnable de penser que les progrès en matière de machine à traduire permettront dans un avenir peu éloigné de réduire le coût des traductions. »
Par ailleurs, il apparaît à l'Académie des Sciences morales et politiques que l'absence d'obligation de traduction lui est apparue comme contraire à l'article 2, alinéa 2 de la Constitution, selon lequel « la langue de la République est le français ».

Le droit français n'autorise pas l'I.N.P.I. à utiliser une autre langue que le français dans son activité
En effet, l'I.N.P.I., en tant que personne morale de droit public, doit impérativement utiliser la langue française dans son activité. De plus, tout brevet européen ayant des effets en France doit être accessible en langue française. Le protocole de Londres viole donc les principes essentiels du droit français. Par ailleurs, si un contentieux survient, la traduction n'ayant pas été effectuée par son déposant, celui-ci pourra la rejeter, entraînant par là même un contentieux dans le contentieux et une multiplication d'imbroglios juridiques.

Une récente décision du Conseil d'État laisse présager l'annulation par le Conseil constitutionnel de la loi mettant en œuvre le protocole de Londres s'il était signé.
En effet, le Conseil d'État a annulé le 20 décembre 2000 des dispositions du règlement de la Commission des Opérations de Bourse autorisant les émetteurs étrangers de titres de capital et les émetteurs de titres de créance étrangers ou français à établir leurs prospectus dans une langue usuelle en matières financière (généralement l'anglais), à condition qu'il soit accompagné d'un résumé en français. Pour ce faire, le Conseil d'État s'est appuyé sur les articles 2 et 4 de la loi du 4 août 1994, dite « loi Toubon » considérant que : « le prospectus présentant une offre d'émission ou un produit français sur un marché soumis à la langue française doit être rédigé en langue française et que si ce document peut être accompagné d'une version traduite dans une langue étrangère,la version en langue française ne saurait être moins complète ».
Retour haut de page Retour sommaire
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris •