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Le sommet de la Francophonie
Paris, 25 septembre 2006
En pérorant, au sommet de Bucarest des 27 et 28 septembre, sur les progrès de la francophonie et la diffusion mondiale du français, on amuse la galerie mais on abuse les Français. Il est mensonger de parler de la francophonie au moment où, devenant un pays bilingue, la France la prive de son socle naturel, au point qu’elle pourrait ne plus reposer que sur de mornes discours convenus et vides.
Il est beau de faire des gammes sur « le désir de français » qui se manifeste dans tel ou tel pays lointain (et qu’il faut certes encourager), de réunir des chefs d’Etat en une sorte de « Mouvement des non-alignés culturels » face à l’uniformisation linguistique de la planète, et de consacrer de multiples projets, programmes et crédits publics à l’enseignement du français dans le monde ou la diffusion de produits culturels francophones. Mais, aussi bienvenue soit-elle, si du moins elle faisait l’objet d’une politique cohérente, la francophonie n’est plus qu’une époustouflante esbroufe dès lors que les gouvernements français abandonnent toute législation linguistique (accusée d’entraver le grand marché unique européen), laissent s’installer l’illettrisme de masse et sacrifient l’enseignement des Lettres ou de la simple lecture, tout occupés à promouvoir l’enseignement dès les classes maternelles d’un « anglais de communication internationale » qui fait glisser la France vers une dangereuse diglossie.
Comment en appeler à la « résistance linguistique » tandis qu’un nombre croissant d’enseignements universitaires sont dispensés en anglo-américain, qu’étudiants, enseignants et chercheurs sont contraints au bilinguisme (ce que réussit à éviter par exemple un pays comme le Japon, dont la langue n’a pourtant nulle vocation internationale) ; comment prôner la diversité quand la seule langue de travail des institutions européennes n’est plus dans les faits que l’anglo-américain, et que les administrations françaises sont contraintes de travailler en cette langue aux fins de « coordination européenne » ; comment promouvoir le français quand des services publics entiers, comme la Défense, ne travaillent plus qu’en cette langue ou que d’autres, tels l’ANPE, se croient tenus de servir leurs administrés dans « les langues d’origine », témoignant d’un étrange renoncement à la matrice naturelle de l’intégration qu’est le français, en sorte que l’art.2 de la Constitution selon lequel « la langue de la République est le français » n’est plus, aux yeux de nos partenaires francophones, Québécois, Arabes, Africains ou…Roumains qu’une dérisoire relique ?
« C’est quand la chose manque qu’il faut mettre le mot » disait Montherlant. Certes ; mais la francophonie mériterait mieux que d’être un paravent bavard et solennel à la déliquescence du français en France et en Europe.
Paul-Marie Coûteaux
Député français au Parlement européen,
membre de la Commission des Affaires étrangères.
Auteur de «
Être et parler français »
(éditions PERRIN, septembre 2006)
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